Covid, Ecologie , Décroissance

Covid, écologie et décroissance

"La décroissance est la seule voie éprouvée jusqu’à présent pour limiter la pollution, réduire notre empreinte écologique et ralentir le réchauffement climatique."

Depuis le Covid-19, la décroissance s’est invitée dans le débat politique. Avant, ce n’était qu’un concept, agité par quelques écologistes minoritaires. Aujourd’hui, même le président de la République en parle, certes pour s’y opposer, mais la question est sur la table.

Le problème de fond qui est posé est de savoir si l’humanité est capable de limiter le réchauffement climatique et de préserver les conditions de vie qui ont prévalu dans la biosphère depuis quelques dizaines de milliers d’années, tout en poursuivant sa croissance économique, technologique et démographique, ou si, au contraire, ces objectifs environnementaux ne peuvent être atteints sans réduire le nombre des humains vivant sur la planète et, du moins pour les pays riches, leur niveau de consommation.

La grande majorité des gens ainsi que la plupart des partis politiques ne veulent pas entendre parler de décroissance, les premiers parce qu’ils n’ont aucune envie de renoncer à leur niveau de vie, les seconds, écologistes compris, parce qu’ils ne veulent pas s’aliéner les suffrages des premiers.

Il reste que, depuis une cinquantaine d’année et malgré les alertes du rapport Meadows (1972) et du sommet de Rio (1992), relayées entre-temps par les appels de milliers de scientifiques, la situation n’a cessé de se détériorer dans le monde : la température augmente, la biodiversité s’effondre, la pollution tue chaque année de plus en plus de millions d’hommes.

Si l’on s’en tient à ces indices, les seuls moments de répit, et même de recul, que l’humanité ait connus dans cette dégradation inexorable de l’environnement, sont l’effondrement des économies du Comecon après la chute du mur de Berlin, la cure d’austérité de la Grèce entre 2008 et 2013 et… la crise du Covid-19 avec l’arrêt de l’activité qu’elle a imposé, à la fin de l’an dernier en Chine et au début de cette année en Europe puis en Amérique du Nord.

A chaque fois, il y a eu corrélation entre décroissance brutale des économies concernées et amélioration sensible des données de base de l’environnement, consistant en un recul de l’empreinte écologique et de la pollution. Jamais, depuis des dizaines d’années, le ciel n’avait été aussi bleu à Wuhan, ainsi que l’ont confirmé toutes les images satellite. Jamais depuis 50 ans, le « jour du dépassement de la Terre » (Earth Overshoot Day) calculé par l’ONG américaine Global Footprint Network n’était revenu en arrière dans le calendrier. Or cette année, le jour à partir duquel nous aurons consommé l’ensemble des ressources produites annuellement par nos écosystèmes va passer, selon les calculs de cette ONG, du 29 juillet au 22 août.

Certes ces divers épisodes n’ont eu aucun effet sensible sur le réchauffement climatique, qui s’est poursuivi en 2020. Celui-ci s’inscrit en effet dans le temps « long » des décennies (en réalité un temps très court par rapport aux évolutions climatiques non anthropiques) et concerne l’ensemble de la planète, il ne peut donc être affecté de manière significative par des phénomènes localisés ou limités dans le temps. Mais l’on sait qu’il évolue dans le même sens que l’empreinte écologique, dont les émissions de gaz à effet de serre constituent la composante principale.

La réalité est là. La décroissance, en ce qu’elle signifie la réduction massive de la production des biens et des services et, dans un autre registre, celle de la population, est la seule voie éprouvée jusqu’à présent pour limiter la pollution, réduire notre empreinte écologique et ralentir le réchauffement climatique.

Comme personne ne veut s’y résoudre, on cherche des chemins de traverse qui concilient défense de l’environnement et progrès économique et social. C’est ainsi que se construisent des récits imaginaires et rassérénants, fondés sur le découplage entre produit intérieur brut et consommation d’énergie, sur le changement d’indicateurs économiques, sur la croissance verte, le développement durable et l’écologie non punitive, sur l’injection de centaines de milliards d’euros pour relancer l’économie tout en finançant la transition écologique. La variable d’ajustement est toujours l’environnement plutôt que l’emploi.Mais les faits sont têtus. Passée la crise sanitaire, le ciel va de nouveau s’obscurcir au-dessus de Wuhan et le jour du dépassement apparaître tous les ans un peu plus tôt dans le calendrier. Le seul découplage avéré est celui constaté entre la montée de l’écologie dans le discours politique et la protection effective de la planète par les pouvoirs publics. La décroissance n’est pas désirable, elle et maintenant nécessaire.

Gilles LACAN (Ancien magistrat) Article publié le 7 août 2020 sur frontpopulaire.fr

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