Accord post-Brexit

Accord post-Brexit

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C'est un texte de 2 000 pages. Londres et Bruxelles ont annoncé jeudi 24 décembre être tombés d'accord sur un accord commercial qui régira leurs relations économiques à partir du 1er janvier, dans la foulée du Brexit. Un texte dont les deux parties ont accouché en neuf mois, alors que la conclusion d'accords de cette envergure prend habituellement des années.

La discussion ne s'est pourtant pas faite sans désaccords. Franceinfo résume ce que l'on sait du compromis trouvé sur les points qui restaient en suspens.

Un compromis complexe sur la pêche

C'était un des points de blocage des négociations : comment concilier la survie économique des pêcheurs européens, habitués à pêcher dans les eaux britanniques, avec la volonté de Londres d'affirmer sa souveraineté sur celles-ci ?

L'accord prévoit finalement qu'au terme d'une période de transition de cinq ans et demi, jusqu'en juin 2026, les pêcheurs de l'Union européenne devront chaque année reverser au Royaume-Uni une somme équivalant à 25% de leurs prises dans les eaux britanniques (soit 160 millions d'euros environ). Passé 2026, des quotas seront renégociés chaque année, ce qui devrait permettre, d’après le Premier ministre britannique, d’accroitre “de deux tiers le nombre de prises des pêcheurs britanniques dans les eaux du Royaume-Uni". L’Union européenne bloquait pourtant sur cette idée d’une renégociation annuelle. Elle proposait une période de transition de trois ans, là où outre-manche, on était favorable à quatorze ans, loin, bien loin des cinq ans finalement validés.

Le Royaume-Uni quitte Erasmus pour son propre programme mondial

Le Premier ministre britannique Boris Johnson a abandonné le programme européen d'échanges pour les étudiants Erasmus dans le cadre de son accord post- Brexit conclu jeudi 24 décembre avec l'Union européenne, invoquant des questions de coût et annonçant un programme mondial pour le remplacer.

Soulignant qu'il s'est agi d'une «décision difficile», Boris Johnson a expliqué que s'il était une «chose merveilleuse» d'accueillir tant d'étudiants européens, le programme était «extrêmement cher» pour le Royaume-Uni.

Un programme Alan Turing

Le chef du gouvernement conservateur a annoncé un programme national pour permettre aux étudiants britanniques d'aller étudier dans les «meilleures universités» partout dans le monde et non seulement en Europe.

Le programme Erasmus, auquel participe le Royaume-Uni depuis 1987, cèdera la place au programme Alan Turing, du nom de ce célèbre mathématicien britannique. Le négociateur européen Michel Barnier a exprimé ses «regrets» que le Royaume-Uni abandonne Erasmus, demandant au gouvernement de «rapidement» faire preuve de «clarté» sur la solution alternative qu'il va mettre en oeuvre.

Les principaux points de l'accord

Concernant les biens, l'accord garantit des échanges sans droits de douane ni quotas pour « tous les biens qui respectent les règles d'origine appropriées ».

Ce point d'accord inédit permet d'éviter une rupture dans les chaînes de production. Il évite par ailleurs des droits de douane de 10 % pour le secteur automobile, de 25 % pour les produits transformés à base de poisson et de 50 % pour le boeuf, les produits laitiers, la volaille, le porc, l'agneau, les céréales, le sucre et plusieurs produits alimentaires transformés.

Les deux parties s'engagent à respecter des conditions de concurrence équitables. Ainsi, le Royaume-Uni ne reverra pas à la baisse l'ensemble des législations et standards sociaux, environnementaux et climatiques européens en place le 31 décembre 2020. Il s'engage également à s'adapter à leur évolution. L'accord prévoit la possibilité d'appliquer des mesures unilatérales de rééquilibrage, notamment des droits de douane, en cas de divergences importantes entraînant une augmentation des coûts de production et donc un désavantage concurrentiel.

Le Royaume-Uni a obtenu le libre-échange économique entre l’île et ses voisins européens. Ni droits de douane, ni quotas ! Un marché inédit, qui se rapproche d’après Boris Johnson, du controversé accord CETA, conclu entre l’UE et le Canada en 2016. “Nous avons complètement repris le contrôle sur chaque sujet ainsi que sur notre réglementation, sans entraves” clame fièrement le Premier ministre. Ce n’est pas tout à fait exact : les produits du Royaume-Uni devront respecter certaines règles. L’accord stipule que les entreprises du Royaume-Uni seront tenues de respecter des conditions de concurrences équitables avec l’UE. Elles passeront par une exigence forte en ce qui concerne la protection de l’environnement, la lutte contre le changement climatique, les droits sociaux, ou bien encore le droit du travail.

Pas question, donc, de faire du “dumping social”. L’Europe a souhaité garder la main mise en cas de non-respect des règles. Elle a voulu que les contentieux sur cet accord soient jugés par la Cour de justice de l’Union européenne. Que nenni, leur a répondu Boris Johnson : la Grande Bretagne aurait préféré le “no-deal”, plutôt que de conserver un lien juridique entre elle et les institutions de l’UE. L’accord étant basé sur le droit international, les deux parties ont finalement convenu de se tourner vers un arbitrage indépendant, comme il est d’usage dans le droit international, en cas de conflits.

Ce qui change au 1er janvier 2021

À partir du 1er janvier 2021, les règles européennes cessent de s’appliquer sur le territoire britannique et le nouvel accord entre en vigueur. Si tout a été fait pour éviter une sortie sèche du Royaume-Uni et épargner les accords commerciaux, des changements interviendront pour la circulation des personnes, des biens ou encore sur la coopération stratégique.

Retour du passeport. Si, dans un premier temps, les citoyens européens peuvent toujours entrer au Royaume-Uni avec leur carte d’identité, le passeport deviendra nécessaire à partir du 1er octobre 2021, sans visa. Les séjours seront limités à 90 jours sur une période de 180 jours sauf cas particuliers (visa longue durée ou titre de séjour). La même règle sera appliquée aux Britanniques voyageant en Europe. Si les contrôles sont rétablis aux frontières, les deux parties n’ont pas souhaité réduire leurs connectivités aérienne, routière, ferroviaire ou maritime.

Des contraintes pour les nouveaux expatriés. Un accord de réciprocité a été validé par la majorité des pays pour protéger les expatriés britanniques et européens déjà installés. Ces derniers peuvent ainsi continuer à bénéficier des mêmes droits sociaux (retraite, sécurité sociale, accès à l’emploi). Par contre, de nouvelles règles s’appliquent pour les futurs expatriés. Les Européens souhaitant aller travailler au Royaume-Uni sont désormais soumis à beaucoup plus de contraintes. Ils devront obtenir un visa de travail basé sur quatre critères : avoir une promesse d’embauche, un salaire de plus de 28 500 euros brut par an, des compétences recherchées et parler anglais. Un visa de travail sera également requis pour les Britanniques souhaitant travailler au sein de l’Union européenne.

Erasmus, c’est fini. Le Royaume-Uni se retire du programme européen d'échanges pour les étudiants, jugé trop coûteux par Boris Johnson. Pour continuer à étudier de l’autre côté de la Manche, les étudiants européens (ils sont 150 000 à l’heure actuelle) devront obtenir un visa étudiant et s’acquitter de frais de scolarité bien plus élevés. Le Premier ministre britannique a annoncé le lancement d’un programme de remplacement en septembre 2021 mais il sera réservé aux citoyens britanniques souhaitant étudier à l’étranger.

Pas de taxes mais plus de paperasse. Avec le Brexit, le Royaume-Uni quitte le marché unique. Pour autant, les négociateurs ont trouvé un terrain d’entente pour éviter de taxer les échanges commerciaux. Il n’y aura ni tarifs ni quotas pour les marchandises. Une bonne nouvelle pour des secteurs exportateurs clés comme l'automobile, l'aéronautique et l'agroalimentaire qui auraient été durement pénalisés. Malgré tout, les professionnels craignent que les contrôles douaniers et les mécanismes mis en place pour s’assurer du respect des nouvelles règles alourdissent considérablement les procédures.

Compromis sur la pêche. Sujet de discorde majeur entre Bruxelles et Londres, la question de la pêche a finalement été tranchée. L’UE s’est engagée à réduire de 25 % ses prises dans les eaux britanniques à l’horizon 2026. Une concession bien éloignée de la demande initiale de Boris Johnson qui exigeait une baisse de 80 %. En contrepartie, les Britanniques, qui exportent 70 % de leurs poissons vers l’UE, échappent au rétablissement des droits de douanes, au moins pendant cette période.

Fin du "passeport financier". Le Brexit sonne-t-il le glas pour la première place financière européenne ? C’est la crainte de la City qui, privé de son précieux "passeport financier” permettant de vendre des produits et services financiers librement à travers toute l'UE, pourrait devoir commercer selon les règles individuelles de chaque État. Mais si Boris Johnson a lui-même admis que l’accord n’était "pas à la hauteur de ses ambitions sur les produits financiers", rien n’est joué à ce stade. Un protocole d'accord sur la finance doit être négocié entre Londres et Bruxelles d'ici mars 2020.

Réduction des partenariats stratégiques. Redéfinir les secteurs de coopération figurait également parmi les priorités des négociations. Bruxelles et Londres continueront de travailler main dans la main dans les domaines de la lutte contre le réchauffement climatique, l’énergie, la recherche, la sûreté nucléaire ou bien encore la lutte antiterroriste. Un accord a également été conclu sur les droits sociaux des travailleurs pour éviter le dumping social. Par contre, la politique étrangère, la défense et l’aide au développement n'ont pas donné lieu à des négociations. À titre d’exemple, il n’existera plus de cadre pour imposer des sanctions communes visant des citoyens d’un pays tiers.

le retour des douanes, les marchandises échangées entre l’UE et le Royaume-Uni devront être déclarées en douane. Il s’agit du retour des douanes, qui avaient été supprimées avec la création du marché unique européen, en 1993. C’est la fin de la libre circulation imposée par l’article 63 du TFUE.

Qu'est-ce qui va changer pour les Français ?

Premier changement après l'accord sur le Brexit annoncé jeudi 24 décembre : l'arrêt sera désormais obligatoire pour les transporteurs vers le Royaume-Uni. Dès le 1er janvier, le denrées alimentaires et produits de la pêche seront contrôlés ; une déclaration au préalable suffira pour le reste. Concernant les personnes, il ne faudra pas de visa touriste pour les séjours de moins de trois mois. Dès le 1er octobre 2021, il faudra obligatoirement présenter un passeport. Pour les candidats souhaitant travailler au Royaume-Uni, un visa de travail, soumis à un système de points, sera désormais exigé. C'est également la fin du programme Erasmus au Royaume-Uni : un parcours universitaire de plus de six mois exigera au 1er janvier l'obtention d'un visa étudiant.

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