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La Ferme des Animaux

La Ferme des animaux de George Orwell

L’analyse de Michel Onfray (philosophe et écrivain) :

Dans la logique de la fable, chaque animal est plus que lui. Il est un caractère, un tempérament et parfois un personnage historique. Cette fable est, du début jusqu’à la fin, un texte antimarxiste, antibolchevique, anticommuniste mais aussi et plus largement antitotalitaire.

Le songe de Sage l’Ancien (le cochon) correspond point par point à la pensée de Karl Marx. Le discours sur la lutte des classes permet d’opposer les humains aux animaux comme le philosophe allemand opposait les bourgeois aux prolétaires. Avec ce discours d’un cochon, Orwell critique également l’exploitation capitaliste, dénonce l’improductivité du bourgeois, la confiscation de la plus-value du propriétaire qui vit de la rente et non du travail.

Le triumvirat constitué des 3 autres cochons que sont Napoléon, Boule de neige, Brille-babil, confisque la Révolution à leur profit et va au fur et à mesure du temps dévoyer les principes posés par Sage l’Ancien.

Les revendications futiles et frivoles de la jument Lubie, la compagne du cheval de trait Malabar, sont celles des bourgeoises et de la bourgeoisie : le sucre est l’aliment inutile car il n’est que festif comme les rubans qui sont exclusivement décoratifs. La ferme marxiste ignorera les douceurs alimentaires et le superflu vestimentaire.

Le lait et les pommes confisquées par les cochons qui spolient ainsi les autres animaux de la ferme constituent l’acte de naissance de toute nomenklatura à savoir l’existence d’une classe dans un régime qui se prétend sans classe !!

Le passage de Douce dans le camp des hommes fait songer aux dissidents qui ont franchi le rideau de fer pour rejoindre le camp de l’ouest.

Le sang versé par les cochons pour faire régner la terreur parmi les animaux rappelle que le régime soviétique a abondamment pratiqué les purges et la terreur en inquiétant, persécutant, torturant, déportant.

Sous couvert de fable, Orwell dénonce le marxisme-léninisme incarné dans le totalitarisme soviétique.

La thèse de cette fable est simple : la révolution est un changement qui se propose après moult dégâts de revenir au point de départ mais en pire car les exploités d’hier parvenus au pouvoir deviennent les exploiteurs du jour en imposant un ordre pire que celui qui a été aboli. La conclusion de cette fable est que ce sont toujours les petits, les sans-grades, qui font les frais des révolutions.

 

L’analyse d’Alain Jaubert (écrivain et documentariste, auteur de nombreux portraits d’écrivains dans la série folio plus classiques):

Cette fable évoque les Fables de Jean de La Fontaine. Elle a pour thème le dévoiement progressif mais inéluctable de l’idéal révolutionnaire marxiste-léniniste ce qui identifie le récit à un apologue politique. Symbolique et typisation animale puisque les animaux parlent, pensent et agissent comme des hommes mais se singularisent en fonction de leur espèce respective. Malabar est un cheval résolu, en bonne bête de somme, à abattre un travail herculéen. Benjamin, l’âne, est circonspect et revêche. Lubie, la pouliche, frivole et coquette ne tient qu’à ses rubans. Moïse, le corbeau, est suspect et baratineur. Les traits de caractère sont soulignés et grossis comme il sied à une fable qui se veut vivante et entend stimuler l’imagination du lecteur. Si George Orwell exploite des éléments traditionnels de la fable, le ton qu’il donne fait écho à la modernité de son point de vue en devenant rapidement ironique, sarcastique et incisif. Le choix des cochons comme espèce qui intrigue pour accaparer le pouvoir, trahir e confisquer les bénéfices de la révolution exprime clairement l’intention pamphlétaire du texte. Ce choix renvoie à la principale préoccupation de l’auteur : dénoncer le mythe soviétique. Le texte d’Orwell met donc en cause jusqu’à l’idée de révolution, considérée comme une utopie nuisible.

Le pessimisme réaliste et pragmatique d’Orwell s’oppose frontalement à l’enthousiasme et à l’optimisme révolutionnaire.