L'HUMANITUDE AU POUVOIR

L’humanitude au pouvoir de Jacques Testard

Fiche de lecture

L’humanitude :

Elle permet aux humains de se rencontrer quelque soit leur état ou leur statut. Elle n’est pas une qualité individuelle même si elle requiert de l’empathie, de l’altruisme et de la solidarité. Elle est une valeur collective, résultante de l’émulation qui nait au sein d’un groupe en effervescence intellectuelle, morale et affective à la recherche active de solutions partagées. Elle provoque la mutation comportementale de la personne impliquée dans cette action de groupe. Elle donne à espérer dans la capacité humaine à définir et à réaliser de véritables changements en transformant un être banal en citoyen responsable capable d’humanitude. C’est ce qui se passe dans les conférences de citoyens qui stimulent l’exaltation de personnes découvrant leur capacité à maitriser un sujet compliqué et ignoré il y a peu, en inventant des solutions auxquelles les « experts » n’avaient pas pensé ou avaient ignorées, eux qui ont le plus souvent des liens d’intérêt avec les industriels, en élaborant un avis qui échappe aux intérêts particuliers, en montrant que chacun peut être producteur de solutions conformes au bien commun au-delà du cercle des «  experts » et apporter une contribution utile à la solution de problèmes collectifs.

Au pouvoir :

En valorisant la capacité d’humanitude à travers des jurys, des conférences ou encore des conventions de citoyens.

« La démocratie, c’est l’exercice du contrôle des gouvernés sur les gouvernants » Alain dans « Propos sur les pouvoirs »

Dans notre système politique actuel de démocratie représentative, le peuple délègue ses pouvoirs lors d’élection à une classe dirigeante. La notion de citoyens est réduite à la participation aux élections. Pourquoi les citoyens ne seraient-ils pas compétents pour comprendre les problèmes et accéder aux responsabilités alors que les élus, eux seraient compétents par la vertu même de leur élection !

D’où : 

• Les jurys citoyens, groupe de personnes tirées au sort pour évaluer l’activité des élus, une manière de préserver le rapport de confiance entre les citoyens et les élus. Le citoyen désigné par le sort demeure toujours dans la vie ordinaire dont il a une connaissance familière alors que les élus du peuple par leur statut privilégié sont coupés des réalités.

«  Le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie, le suffrage par le choix est celui de l’aristocratie » Montesquieu dans «  l’esprit des lois »

• La conférence des citoyens consiste à réunir un panel de « profanes » tirés au sort pour débattre avec l’aide d’un animateur professionnel sur un sujet donné comme par exemple «  Changements climatiques et Citoyenneté ». Dans cet élan d’Humanitude se construit un intellectuel collectif et transitoire hors des pressions des partisans et des lobbies.

• La convention de citoyens : outil unique pour la définition du bien commun. L’objet de la convention doit porter sur un sujet d’intérêt général suscitant des controverses et ayant atteint un certain degré de maturité comme par exemple « les OGM dans l’agriculture et l’alimentation «. L’organisation de la convention suppose un commanditaire (un ministère, une assemblée élue – département, région, commune, etc..) un organisateur capable d’assurer les aspects pratiques, un comité de pilotage composé de spécialistes du débat public affichant des positions variées et souvent contradictoires sur le sujet en discussion, un facilitateur professionnel de l’animation recruté par le comité en compte d’organisation, un panel de citoyens tirés au sort sur la liste électorale en prenant en compte la plus grande diversité possible. Le choix des panélistes au hasard est un point cardinal des conventions de citoyens. La professionnalisation de la « démocratie participative » contredirait l’esprit même des conventions de citoyens, lequel postule que le sort peut offrir à chacun d’entre nous de participer à une telle aventure. Le bénévolat des membres du panel est nécessaire pour éviter des motivations économiques. L’humanitude est à ce prix. Les citoyens tirés au sort, acceptant cette responsabilité,  sans avantage personnel démontrent fréquemment une conscience civique, un désintéressement et des compétences exceptionnelles.

Les conventions de citoyens sont incomparables quand il s’agit de décider de choix de société car le tirage au sort est un retour aux sources de la démocratie (gouvernement du peuple par le peuple) ; Il se trouve que les avis élaborés par les conférences de citoyens confortent le plus souvent les arguments de ceux qui recherchent le bien commun.

Les conventions de citoyens sont capables de réveiller l’humanitude chez des personnes ordinaires afin que les représentants du peuple s’emparent de leurs conclusions. En effet la convention de citoyens ne prétend pas établir la loi mais participer à l’éclairage du législateur qui seul est habilité à légiférer mais il devra engager clairement sa responsabilité devant l’avenir s’il s’oppose aux propositions de ces citoyens indépendants et avertislors d’un débat à la chambre suivi d’un vote transparent.

La convention de citoyens n’est pas seulement une réponse circonstancielle à une question particulière, elle correspond potentiellement à un nouveau mode de gouvernement. Elle constitue un outil original et précieux qui reste encore peu utilisé et confiné à la résolution de controverses de nature technique ou sociotechnique ; elle doit s’élargir à des questions plus larges et politiques. Ce serait un pas décisif vers la démocratie semi-directe, un creuset pour le renouveau d’une démocratie usurpée.

Il convient d’obtenir l’enregistrement de la convention de citoyens dans l’ordre constitutionnel. Une inscription dans la constitution serait souhaitable voire nécessaire pour que le recours aux conventions de citoyens dispose d’une légitimité institutionnelle.

Et pourquoi ne pas envisager que la 2^ème chambre (le sénat) soit constituée de membres tirés au sort ?

« Compliquer la démocratie pour l’accomplir » Pierre Rosanvallon

 

Michel Hanocque (janvier 2020)