Loi de Pays relative aux Actes Coutumiers

Loi du pays n° 2006-15 du 15 janvier 2007

relative aux actes coutumier

 

CHAPITRE I - Du palabre coutumier

 

Article 1

 

Le palabre est une discussion organisée selon les usages de la coutume kanak, à l'issue de laquelle une décision coutumière est adoptée. Cette décision peut être transcrite dans le cadre d'un acte coutumier

 

Article 2

 

La tenue d'un palabre est libre. II se tient sous l'autorité du chef de clan, du chef de la tribu ou du grand chef ou, à défaut, du président du conseil des chefs de clans.

Un registre de ces autorités coutumières est instauré pour chaque aire coutumière auprès des conseils coutumiers respectifs qui en assurent la tenue.

 

CHAPITRE II - Du régime juridique de l'acte coutumier

 

Article 3

 

Acte juridique de nature conventionnelle, l'acte coutumier se caractérise par un concours de volontés interdépendantes qui en détermine les éléments et les effets. Sa portée peut être individuelle ou collective.

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L'acte coutumier revêt les qualités d'un acte authentique lorsqu'il est pris en matière de statut civil coutumier ou de propriété coutumière.

 

Article 4

 

L'acte coutumier est destiné à produire des effets de droit à l'égard des personnes relevant du statut civil coutumier ou du statut civil de droit commun, sous réserve des dispositions de l'article 9 de la loi organique modifiée n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, ou à conférer des prérogatives dans le cadre de la propriété coutumière telle que définie à l'article 18 de ladite loi.

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE III - De la procédure relative aux actes coutumiers

Section I - La demande d'établissement

 

Article 5

 

Lorsqu'un acte coutumier est sollicité par une personne physique ou morale, ou requis aux termes des textes en vigueur en Nouvelle-Calédonie, l'autorité coutumière saisie d'une telle demande doit l'adresser à l'officier public coutumier compétent.

La demande porte les mentions obligatoires suivantes :

- l'identité, l'adresse et le domicile du demandeur,

- l'objet du palabre (un dossier sera communiqué selon le cas),

- l'identité, l'adresse et le domicile des personnes concernées par le palabre.

 

Article 6

 

L'officier public coutumier accuse réception de la demande. Il en vérifie le contenu et peut requérir les éléments d'information ou de précision complémentaires, nécessaires à l'établissement de l'acte.

En concertation avec les parties concernées, il fixe la date et le lieu d'établissement de l'acte coutumier, et procède à la transcription de la décision coutumière.

Le rejet de la demande d'établissement de l'acte coutumier doit être motivé.

 

Section II - Les conditions de forme

Article 7

 

L'acte coutumier doit contenir les mentions suivantes :

- le nom et le lieu d'établissement de l'officier public coutumier qui le reçoit,

- la date et le lieu où l'acte est passé,

- l'identification et la signature du ou des demandeurs,

- l'identification et la signature de l'autorité coutumière ayant adressé la demande de tenue de palabre,

- l'identification et la signature de la ou des parties présentes ou dûment représentées,

- l'identification de(s) l'autorité(s) coutumière(s) dont le consentement est requis,

- l'objet du palabre,

- le dispositif de la décision des parties au palabre.

Toutes les signatures sont recueillies le jour de l'établissement de l'acte coutumier.

L'acte coutumier est immédiatement notifié aux parties intéressées et transmis pour information au chef de la tribu ou, à défaut, au président du conseil des chefs de clans.

Article 8

 

Dans tous les cas où le palabre a pour objet ou conséquence l'utilisation ou l'exploitation d'une parcelle de terre coutumière, pour tout projet de construction

ou d'exploitation durable émanant de personnes originaires de la tribu ou de promoteur extérieur, l'acte coutumier doit être complété par les mentions suivantes :

- l'identification et la signature du ou des clans détenteurs de droits sur le foncier concerné,

- l'identification et la signature du ou des clans limitrophes,

- l'identification et la signature du chef ou du grand chef ou, à défaut, du président du conseil des chefs de clans.

 

Article 9

 

Les personnes empêchées, pour cause de maladie ou d'absence hors de Nouvelle-Calédonie, peuvent se faire représenter par leur chef de clan ou l'une des personnes présentes au palabre, membre de son clan. Une personne ne peut détenir plus de deux procurations.

La procuration est établie en double exemplaire sur papier libre et doit mentionner l'identité du mandant et du mandataire, l'objet précis pour lequel la procuration est établie, la date de son établissement. Elle demeure annexée aux originaux de l'acte coutumier.

 

Article 10

 

Les actes coutumiers sont établis de façon lisible et indélébile sur un papier d'une qualité offrant toute garantie de conservation. Les signatures et paraphes qui y sont apposés doivent être indélébiles. Ils sont écrits en un seul et même contexte, sans blanc, sauf toutefois ceux qui constituent les intervalles normaux séparant les paragraphes et alinéas, et ceux nécessités par l'utilisation des procédés de reproduction.

Dans ce dernier cas, les blancs sont barrés. Les abréviations sont autorisées dans la mesure où leur signification est précisée au moins une fois dans l'acte. Les sommes sont énoncées en lettres à moins qu'elles ne constituent le résultat d'une opération ou qu'elles ne soient répétées. La date à laquelle l'acte est signé doit être énoncée en lettres. Chaque page de texte est numérotée. Le nombre de pages est indiqué à la fin de l'acte.

Les pièces annexées à l'acte doivent être numérotées dans l'ordre chronologique sans interruption, signées par l'officier public coutumier, et paraphées par les parties à l'acte et les autorités coutumières concernées.

 

 

Article 11

 

Le corps de l'acte ne doit comporter ni surcharge, ni interligne, ni addition. Les mots et les chiffres surchargés, interlignés ou ajoutés sont nuls.

Le nombre de blancs barrés, celui des mots et nombres rayés sont mentionnés à la fin de l'acte. Cette mention est paraphée par l'officier public coutumier et les autres signataires de l'acte.

Postérieurement à l'établissement de l'acte coutumier, la rectification d'une erreur matérielle peut être demandée par toute personne intéressée. La demande est formulée par écrit auprès de l'officier public  coutumier qui, lorsqu'elle est fondée, effectue la rectification en marge de l'acte original qu'il détient. Cette rectification est datée, signée par l'officier public coutumier qui y appose son timbre.

Par un avis de mention de rectification, l'officier public coutumier informe immédiatement le président du gouvernement et les détenteurs de copies de l'acte coutumier de la rectification matérielle effectuée.

 

Article 12

 

L'acte coutumier, rédigé en français, doit indiquer la langue dans laquelle le palabre a été tenu.

Il fait mention qu'il a été lu par les parties ou que lecture leur en a été faite et qu'elles ont signé en pleine connaissance de son contenu.

Quand les parties ne parlent pas ou ne lisent pas suffisamment la langue française ou ne peuvent signer, il en est également fait mention.

 

Article 13

 

L'acte coutumier est dressé en deux exemplaires originaux. L'officier public coutumier est tenu de garder les minutes des actes qu'il reçoit. Le second original est transmis au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Le droit de délivrer des copies conformes appartient aux détenteurs des originaux. Il doit être fait mention sur chaque original de la date de délivrance et du destinataire de la copie. Le détenteur de l'original qui délivre une copie doit en aviser immédiatement le détenteur du second original.

 

Article 14

 

En cas d'impossibilité d'établir un acte coutumier, l'officier public coutumier en informe par écrit le conseil coutumier en indiquant les motifs, dans un délai de six mois à compter de la date de convocation des parties pour l'établissement de l'acte coutumier.

La date de réception de cet envoi marque la clôture administrative du dossier. Toutefois, une nouvelle demande d'établissement d'un acte coutumier pourra être faite dans les conditions prévues à l'article 5.

 

Article 15

 

Tout acte coutumier établi en violation des dispositions du présent chapitre est nul.

Section III - La conservation

Article 16

 

L'officier public coutumier tient un répertoire des actes coutumiers établis dans le ressort de sa compétence.

Le répertoire est un registre unique qui recense toutes les demandes dont l'officier public coutumier est saisi. Pour chaque acte coutumier, le répertoire indique la date de la saisine, le numéro d'inscription, les nom, prénoms, qualité et domicile des parties, l'objet du palabre, le nom de l'officier public coutumier auquel l'affaire est attribuée, la suite donnée à la demande, la date et la nature de la décision.

 

Article 17

 

Les minutes et répertoires dressés par l'officier public coutumier constituent des documents d'archives publiques tels que défini au titre II article 3 alinéa 6 de la délibération n° 159 du 24 mars 1987 relative aux archives de la Nouvelle-Calédonie et dépendances.

Le délai au-delà duquel les actes coutumiers peuvent être librement consultés est de cent ans à compter de la date de l'acte ou de la clôture du dossier.

 

CHAPITRE IV - De l'officier public coutumier

Article 18

 

L'officier public coutumier est l'officier public désigné pour recevoir et conserver les actes coutumiers, et en délivrer copies ou des extraits dans les conditions prévues à l'article 13 ci-dessus.

Il prête devant le tribunal de première instance le serment suivant : « je jure de loyalement remplir mes fonctions avec exactitude et probité et d'observer en tout les devoirs qu'elles imposent. ».

 

Article 19

 

Les fonctions de l'officier public coutumier sont exercées par des agents de la Nouvelle-Calédonie appartenant au corps des officiers publics coutumiers créé par une délibération du congrès de la Nouvelle-Calédonie.

L'officier public coutumier est affecté dans une aire coutumière déterminée.

Le conseil coutumier concerné est saisi pour avis de sa nomination et de sa cessation de fonction.

En cas de nécessité, l'officier public coutumier peut être appelé à instrumenter dans une aire coutumière différente, sur décision du président du gouvernement.

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Article 20

 

Les fonctions de l'officier public coutumier sont incompatibles avec celles de membre du conseil coutumier de l'aire dans laquelle il officie.

Lorsqu'il a à instruire ou à rédiger un acte coutumier dans lequel il a un intérêt à titre personnel, il doit être remplacé par un autre officier public coutumier.

 

CHAPITRE V - Du recours devant le conseil coutumier

Article 21

 

En cas de contestation portant sur l'interprétation d'un acte coutumier, le requérant introduit un recours devant le conseil coutumier concerné dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'acte.

Le conseil coutumier rend sa décision dans un délai de trois mois à compter de l'introduction du recours.

Durant ce délai, le conseil coutumier peut proposer une conciliation dans les conditions prévues à l'article 25 ci-après.

 

Article 22

 

Ce recours doit être déposé par écrit. II est enregistré au secrétariat du conseil coutumier sur un registre spécial ouvert à cet effet et instruit suivant les règles instituées au sein de ce conseil par son règlement intérieur.

Le conseil coutumier en informe l'officier public coutumier dans un délai de 48 heures à compter de son dépôt.

 

Article 23

 

Au cours de l'instruction, le conseil coutumier entend le requérant et la partie à l'acte coutumier à laquelle le recours fait grief, lesquels peuvent se faire assister par une personne de leur choix, appartenant à leurs clans respectifs. Toutefois, cette personne ne peut être membre du sénat coutumier, du conseil coutumier ou titulaire d'un mandat électif.

Le conseil coutumier peut, s'il l'estime nécessaire pour fonder sa décision, auditionner toute personne de son choix.

 

Article 24

 

Lorsqu'un membre d'un conseil coutumier est partie à un acte coutumier faisant l'objet d'un recours devant son propre conseil coutumier, il ne lui est pas permis de prendre part aux délibérations portant sur ledit litige.

 

Article 25

 

Le conseil coutumier peut proposer une conciliation à l'auteur du recours et aux parties mises en cause.

Dans ce cas, la signature du protocole de conciliation rédigé par l'officier public coutumier met fin au litige.

Le protocole de conciliation est dressé en deux exemplaires originaux qui sont annexés aux minutes de l'acte coutumier.

Ce protocole est notifié par le conseil coutumier au requérant et aux parties intéressées, au chef de la tribu, au grand chef de district.

 

Article 26

 

A défaut de conciliation, il est statué sur le litige par une décision motivée du conseil coutumier. Cette décision est notifiée au demandeur, aux autorités coutumières, aux parties intéressées, à l'officier public coutumier compétent et au président du gouvernement

 Elle est annexée en deux exemplaires originaux de l'acte coutumier.

 

Article 27

 

L'absence de décision sur le litige dans le délai de trois mois prévu à l'article 150-II de la loi organique susvisée équivaut à une décision de rejet du recours par le conseil coutumier.

 

Article 28

 

Dans le cadre de sa mission de conciliation, le conseil coutumier peut également être saisi lorsqu'un palabre régulièrement sollicité ou requis n'a pu être exécuté pour des motifs tirés du refus des autorités coutumières mentionnées à l'article 2 de le tenir.

 

CHAPITRE VI - De l'action en justice

Article 29.

Toute action en justice n'est recevable que si le litige relatif aux actes coutumiers a été porté au préalable auprès du conseil coutumier de l'aire concernée.

Après épuisement de sa compétence par le conseil coutumier, les juridictions de droit commun peuvent être saisies pour connaître des litiges relatifs à l'acte coutumier portant sur le statut civil coutumier ou les terres coutumières.

 

Article 30

 

Les actes coutumiers font foi en justice jusqu'à inscription de faux.

Le faux commis dans un acte coutumier de nature authentique est puni des peines d'amende et d'emprisonnement prévues à l'article 441-4 du code pénal.

 

CHAPITRE VII - Dispositions transitoires

Article 31

 

Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés pour la période comprise entre le 1er janvier 2000 et l'entrée en vigueur de la présente loi du pays la délibération modifiée n° 95-31/API du 20 septembre 1995 fixant la procédure d'établissement des procès-verbaux de palabre dans la province des îles Loyauté ainsi que les actes pris en application de cette délibération.

 

Article 32

 

Dans l'attente de la mise en place du corps mentionné à l'article 19 ci-dessus, les procès-verbaux de palabre continueront d'être établis par la gendarmerie nationale, conformément aux dispositions du décret du 20 mai 1903 portant règlement sur l'organisation etle service de la gendarmerie et de l'arrêté gubernatorial n° 581 du 25 septembre 1958 portant règlement sur le service de la gendarmerie de la Nouvelle-Calédonie et dépendances .

 

CHAPITRE VIII - Dispositions finales

Article 33

 

Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est habilité à prendre par arrêté les mesures nécessaires à l'application de la présente loi du pays.

 

Article 34

 

Les dispositions contenues dans la présente loi du pays prennent effet à compter du 1er jour du mois suivant l'expiration du délai d'un an à compter de

sa promulgation.