Créer un site internet

ÉVOLUTION STATUTAIRE DE LA NC

(Texte créé par le PALIKA (parti de liberation kanak) le 15 décembre  2009)

La Nouvelle-Calédonie a connu onze statuts différents depuis la prise de possession du pays par la France. Les kanak ont souvent été mis à l’écart et oubliés au point même qu’on faille les faire disparaître au nom de la colonisation de peuplement. En sept étapes (ou périodes) voici l’évolution de la marche du colonialisme face à la lutte du peuple kanak en kanaky-Nouvelle-Calédonie.

1°/ Le statut ouvert de la colonisation

La Grande Terre est découverte le 4 septembre 1774 par l’Anglais James Cook. Dès 1840, des missionnaires anglais et français s’implantent dans l’archipel. Mais c’est le 24 septembre 1853 que le contre-amiral Febvrier-Despointes prend possession de la Grande-Terre au nom de Napoléon III. Puis, en 1854, a lieu le rattachement effectif de l’île de Loyauté. L’Etat français vient de trouver un territoire pour un bagne et une nouvelle base militaire. La nouvelle possession coloniale est rattachée aux Etablissements français de l’Océanie, devenant ainsi les dépendances de la Polynésie. L’organisation de la colonie reste rudimentaire et elle s’inspire d’une ordonnance du 27 août 1828 concernant la Guyane Française. Elle devient une colonie autonome dès 1860 avec son propre Gouverneur. Le Gouverneur, représentant de l’Etat, a les pleins pouvoirs dès 1874 et il est assisté d’un conseil privé, purement consultatif. Le décret du 2 avril 1885 institue le Conseil général dont les pouvoirs sont plus étendus qu’en métropole.

La colonisation de l’archipel s’accompagne de la création de réserves (1867), du cantonnement des tribus (1877) et surtout de la redistribution des terres aux colons, sans oublier la répression systématique de la population autochtone à chaque insurrection.

Le code de l’indigénat (1887) systématise des mesures de travail obligatoire, d’impôt de capitation sur les réserves et d’un ensemble de mesures répressives. Ce régime – sorte de semi-apartheid – place les autochtones hors du droit commun applicable à tout citoyen français.

La colonisation entraîne donc la négation de l’identité kanak, la mise à l’écart des autochtones du développement économique et de la vie politique, et la spoliation de leurs terres (or, la terre est avant- tout celle des ancêtres). Ces problèmes seront à l’origine de toutes les revendications ultérieures.

2°/ Une période d’autonomisation maximale

La Constitution du 26 octobre 1946 met fin au régime de l’indigénat et aux modalités de travail forcé. La Constitution maintient le statut de droit local à côté du statut civil de droit commun (art. 82).

Le préambule reconnaît le fait colonial.

Avec l’avènement des Territoires d’Outre Mer, la Nouvelle-Calédonie passe du statut de possession coloniale à celui de collectivité territoriale de la République. Le gouverneur est désormais l’exécutif du Conseil général qui est par la suite élu au suffrage universel.

Les Mélanésiens accèdent petit à petit au droit de vote alors que la Constitution a accordé la citoyenneté française à tous les ressortissants ultramarins :

- l’ordonnance du 22 août 1945 permet à certaines catégories de Kanak, comme les anciens combattants ou les chefs coutumiers, de voter.

- la loi du 23 mai 1951 ouvre davantage le droit de vote : 8930 Kanak sur 19761 électeurs peuvent désormais voter.

- l’évolution s’achève avec la loi du 26 juillet 1957 qui accorde le droit de vote à toute la population mélanésienne.

L’Etat français semble vouloir laisser une part d’autonomie aux Mélanésiens en mettant en place un statut relativement souple.

A la même époque commence à apparaître une vie politique. Les premiers partis politiques (comme le Parti communiste calédonien créé par Jeanne Tunica en 1946 et l’Union Calédonienne créée par M. Maurice Lenormand, d’origine européenne) voient le jour et en conséquence, un jeu politique, qui traduit les intérêts et les stratégies de la société civile, se développe.

En 1953, l’Union Calédonienne, le parti de M. Lenormand remporte la majorité des sièges au Conseil général, avec le slogan « deux couleurs, un seul peuple. » Et, en 1957, l’Assemblée territoriale passe aux mains des autochtones.

Le point culminant de l’autonomie apparaît avec la loi-cadre Defferre du 23 juin 1956, rendue applicable par le décret du 22 juillet 1957.

Elle met en place le système fondamental de gouvernement local avec une assemblée territoriale, un exécutif élu et un exécutif nommé. Elle réorganise les Conseils généraux en vue de les transformer en organes de collaboration. Désormais le Gouverneur, chef du Territoire et représentant de l’Etat, préside le Conseil de gouvernement.

Ce nouvel organe est élu par les membres de l’Assemblée territoriale. Par ailleurs, l’Assemblée est élue au suffrage universel ; la première élection a lieu en 1957 alors que l’ensemble des Mélanésiens peut voter. C’est une première étape vers la reconnaissance de l’identité kanak.

La loi Defferre tend réellement à reconnaître la dignité des Mélanésiens et leur capacité à gouverner.

La Constitution du 4 octobre 1958 confirme le statut de TOM qui est accepté par le territoire le 17 décembre 1958.

Mais, les Caldoches ne veulent pas perdre tous leurs avantages acquis sur le territoire et, face à l’incessante autonomisation des autochtones, font pression sur la métropole qui va initier un mouvement de départementalisation.

3°/ Le renforcement de la position des anti-indépendantistes

Une série de lois réduit l’autonomie acquise ces quinze dernières années.

La loi statutaire du 21 décembre 1963, dite « loi Jacquinot », confère au Conseil du Gouvernement un simple rôle consultatif et attribue ainsi au Gouverneur le pouvoir exécutif. Elle marque le retour de l’Etat dans les affaires néo-calédoniennes.

Les lois du 3 janvier 1969, dites « lois Billotte », amputent les compétences du Territoire en matière d’investissement et de réglementation minière pour les attribuer à l’Etat français.

Un changement économique et politique intervient à la fin des années 60. Le « boom » du nickel entre 1969 et 1972, suivi de l’effondrement du cours, laisse de côté les Mélanésiens, premières victimes de cette crise.

Parallèlement, l’UC s’effrite sur sa droite (certains de ses membres rejoignent un parti de droite apparenté au RPR : le Rassemblement Pour la Calédonie dans la République) tandis que d’autres avancent l’idée d’une indépendance du Caillou.

En 1975, V. Giscard d’Estaing refuse de recevoir Monsieur Yann Céléné Urégéi, président de l’Assemblée territoriale, venu réclamer un référendum sur l’autonomie du territoire.

Son premier ministre, Jacques Chirac lui propose de choisir entre la départementalisation et l’indépendance.

Le Parti de libération kanak naît officiellement en 1976 avec pour objectif la revendication de l’indépendance du pays.

C’est en 1977 que J.-M. Tjibaou devient vice-président de l’UC et engage le parti vers l’indépendance. Le Front Indépendantiste (FI) est créé.

Le désir de plus de dignité explique cette radicalisation progressive de la situation politique.

Le Territoire étant aux mains des conservateurs, la loi du 28 décembre 1976, dit « statut Stirn » accorde plus d’autonomie de gestion au gouvernement local mais pas autant qu’en 1957.

Le Conseil de gouvernement retrouve des compétences collégiales étendues et voit sa fonction de vice-président élu rétablie. Désormais, le Territoire dispose d’une compétence de droit commun pour toutes les affaires l’intéressant, l’Etat ayant seulement une compétence d’attribution.

Toutefois, l’instabilité institutionnelle se poursuit et conduit à la dissolution du Conseil de gouvernement en mars 1979.

La loi du 24 mai 1979, dit « statut Stirn II » modifie le statut Stirn I et introduit un seuil de 7,5% des suffrages en deçà duquel on ne peut être admis à la répartition des sièges lors des élections territoriales. Ce mode donne ainsi l’avantage aux anti-indépendantistes qui remportent le scrutin du 1 er juillet 1979 avec 65% des voix.

Si le mouvement indépendantiste se fait entendre dès la fin des années 60, il se renforce avec l’accession à l’indépendance de voisins de la Nouvelle-Calédonie comme la Papouasie-Nouvelle-Guinée (1975) ou des Nouvelles-Hébrides (1980).

4°/ Premiers rapprochements indépendantistes/ anti-indépendantistes

L’élection de F. Mitterrand est très mal perçue par les conservateurs, orientés à droite, tandis que les indépendantistes espèrent que leurs revendications seront entendues.

La loi du 4 février 1982, loi d’habilitation, autorise le Gouvernement à prendre des ordonnances pour accélérer les réformes et désamorcer les tensions. Sont ainsi crées trois offices :

- l’office foncier, chargé d’accélérer la réforme foncière en redistribuant des terres des colons aux Mélanésiens,

- l’office de développement de l’intérieur et des îles,

- l’office culturel, scientifique et technique canaque.

Par ailleurs, une réforme des tribunaux permet la mise en place d’assesseurs exprimant la coutume mélanésienne. Ce geste traduit une première reconnaissance de la culture canaque.

Cependant, la question de l’indépendance est une fois de plus éludée.

A la suite d’un renversement d’alliance en juillet 1982, l’exécutif local est pour la première fois aux mains des indépendantistes et J.-M. Tjibaou devient président du Conseil du gouvernement.

G. Lemoine, secrétaire d’Etat aux DOM-TOM, comprend qu’il faut rapprocher indépendantistes et anti-indépendantistes et réunit, en juillet 1983, autour d’une Table Ronde, à Nainville-les-Roches, les différentes forces politiques de Nouvelle-Calédonie. Il en ressort une déclaration commune que le RPCR refuse de signer. Publiée le 12 juillet 1983, elle reconnaît l’abolition du fait colonial, la légitimité du « peuple kanak », une possibilité d’ « autodétermination » et la nécessité d’élaborer un « statut d’autonomie transitoire et spécifique ».

A la suite de la Table- Ronde est votée la loi du 6 septembre 1984, dite « statut Lemoine » qui vise à apporter une solution statutaire constitutionnelle au problème identitaire des Kanak. Elle confère à la Nouvelle-Calédonie une autonomie jamais atteinte.

L’exécutif est désormais un Gouvernement local élu et un référendum d’autodétermination est prévu pour 1989.

Cependant, les indépendantistes contestent la composition du corps électoral appelé à se prononcer en 1989, date qu’ils jugent d’ailleurs trop tardive. Ils souhaitent en effet que seuls les Kanak et les non-Kanak nés sur le territoire ou ayant un ascendant né en Nouvelle-Calédonie puissent être électeurs.

Le 24 septembre 1984, le FI se transforme en Front de Libération Nationale Kanak Socialiste (FLNKS), composé de l’UC et de divers partis de gauche ou à tendance indépendantiste.

Les élections à l’Assemblée territoriale du 18 novembre 1984 sont boycottées par les indépendantistes : 50% des inscrits s’abstiennent. Le RPCR remporte alors 70% des voix.

Mais les résultats n’ont aucune signification politique et la violence s’installe, faisant plusieurs morts. Le 1er décembre, le FLNKS constitue un gouvernement provisoire présidé par J.-M. Tjibaou. Et le 5 décembre dix Mélanésiens dont deux frères de Tjibaou sont assassinés dans une embuscade, à Hienghène.

A la suite de ce nouvel échec, la Nouvelle-Calédonie est retirée des fonctions de M. Lemoine et E. Pisani est nommé haut-commissaire à Nouméa.

Le 7 janvier 1985, E. Pisani imagine un projet d’indépendance- association qui répond aux volontés des deux principales forces politiques néo-calédoniennes. D’un côté, un scrutin d’autodétermination sur l’indépendance ou le maintien dans la République est prévu en juillet 1985 pour les citoyens ayant trois ans de résidence en Nouvelle-Calédonie. D’un autre côté, l’Etat s’engage à continuer d’accompagner la Nouvelle-Calédonie dans son développement.

Mais sous pression de la droite locale et métropolitaine, la situation se dégrade : un jeune Caldoche (Yves Tual) est assassiné et le secrétaire général de l’UC (Eloi Machoro) est abattu par la gendarmerie.

L’état d’urgence est décrété le 19 janvier 1985.

Face au durcissement de la droite, les indépendantistes prennent leurs distances avec E. Pisani, qui se voit nommé ministre chargé de la Nouvelle-Calédonie.

La loi 23 août 1985, dite « statut Fabius- Pisani », et l’ordonnance du 20 septembre 1985, relative à l’organisation et au fonctionnement des régions en Nouvelle-Calédonie et portant adaptation du statut du territoire, prévoit un scrutin d’autodétermination pour le 31 décembre 1987. Mais, ces textes marquent un recul institutionnel car ils confient l’exécutif du territoire au Haut-Commissaire et non plus au Conseil de gouvernement, organe élu.

Ainsi, l’Etat peut jouer le rôle d’arbitre entre les forces politiques. Malgré tout, les indépendantistes voient dans ce statut la possibilité de créer les conditions de l’indépendance.

5°/ Le retour à la départementalisation

Dès 1986, le nouveau gouvernement de J. Chirac, B. Pons étant ministre des DOM-TOM, prend le contre-pied de ce qu’ont fait les gouvernements précédents.

La loi du 17 juillet 1986, dite « statut Pons I », définit un statut transitoire ayant vocation à réduire les pouvoirs des régions (trois étant aux mains du FLNKS) mais à accroître ceux du Territoire (majoritairement aux mains du RPCR).

Le 13 septembre 1987 a lieu un référendum sur l’indépendance : les anti-indépendantistes y voient le moyen d’isoler la forte minorité indépendantiste, qui appelle à l’abstention.

40,9% des inscrits s’abstiennent et 98,3% des suffrages exprimés se prononcent en faveur du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la République. Mais, il est clair que ce résultat est dépourvu de valeur.

Une dernière loi initiée par le gouvernement Chirac, la loi du 22 janvier 1988 dite « statut Pons II », donne une assez large autonomie de gestion au territoire pour donner plus de moyens d’action aux anti-indépendantistes et affaiblir le FLNKS. Mais elle ne sera jamais appliquée en raison de l’aggravation de la crise calédonienne.

6°/ Le nouvel espoir des indépendantistes

En 1988, dans sa « lettre à tous les Français », F. Mitterrand expose clairement sa volonté de régler le problème néo-calédonien. Et à l’approche de l’élection présidentielle, la violence monte et culmine en avril- mai 1988 avec le drame d’Ouvéa (prise d’otages).

Le gouvernement de M. Rocard, avec le nouveau ministre chargé des DOM- TOM, L. Lepensec, se met au travail et rétablit le dialogue entre indépendantistes et antiindépendantistes en envoyant sur place une « mission du dialogue » composée de diverses sensibilités politiques et philosophiques. Il y parvient notamment parce que la droite locale, affaiblie par l’échec aux législatives, se doit de composer avec ses adversaires.

L’accord des forces politiques – le FLNKS avec J.-M. Tjibaou et le RPCR mené par J. Lafleur – est concrétisé par l’accord de Matignon du 26 juin 1988.

Ce texte fondamental pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie se compose d’une déclaration commune, acceptant la prise en main par l’Etat de l’administration du territoire, et de deux annexes. Celles-ci évoquent l’idée d’une paix durable et de « dispositions institutionnelles et structurelles préparatoires au scrutin d’autodétermination » prévu pour 1998.

La question de l’indépendance est donc repoussée à une dizaine d’années. Mais, les revendications canaques sont entendues.

La seconde phase des discussions s’achève par la signature, le 20 août 1988, de l’accord Oudinot : le FLNKS obtient que le corps électoral appelé à se prononcer en 1998 soit composé des électeurs résidant sur le territoire depuis 1988.

Naturellement les accords sont contestés dans les deux camps mais ils semblent légitimés par le référendum du 6 novembre 1988 (le « oui » l’emporte à 80% des suffrages exprimés malgré un taux d’abstention de 63%) . Personne ne pense à remettre en cause ces textes qui apaisent enfin les esprits.

Ainsi le 9 novembre 1988 est adoptée la loi « portant dispositions statutaires et préparatoires à l’organisation de la Nouvelle-Calédonie en 1988. » Elle attribue notamment une compétence locale de droit commun aux provinces.

L’espoir renaît alors en Nouvelle-Calédonie malgré l’assassinat de J.-M. Tjibaou par un indépendantistes le 4 mai 1989.

Par la suite, l’Etat rassure les TOM : la loi du 25 juin 1992 prévoit que leur statut résulte d’une loi organique et non ordinaire. Dès lors le respect des compétences des TOM est garanti au plus haut niveau contre les empiètements éventuels du législateur.

7°/ La mise en place d’une « souveraineté partagée »

Signé par les représentants du FLNKS et du RPCR, l’accord de Nouméa du 5 mai 1998 consacre tout d’abord dans son préambule l’existence d’une identité kanak et reconnaît une citoyenneté néo-calédonienne. Il se compose de trois principaux points :

1- le transfert de compétences de l’Etat au Territoire, à l’exception des pouvoirs régaliens que sont la justice, l’ordre public, la défense, la monnaie, le crédit et le change.

2- la mise en place de nouvelles institutions comme le gouvernement de Nouvelle-Calédonie et la création des « lois du pays », normes à valeur législative votées par le Congrès.

3- la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté entre 2014 et 2019 : elle portera sur le transfert des compétences régaliennes à la Nouvelle-Calédonie.

L’accord de Nouméa traduit parfaitement la volonté des Calédoniens d’assumer un destin commun.

Le Congrès est réuni à Versailles le 6 juillet pour voter la réforme de la Constitution et la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie rétablit les articles 76 et 77 dans un titre XIII de la Constitution intitulé « Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie. »

L’article 77 prévoit que la loi organique interviendra pour transcrire en termes juridiques l’accord de Nouméa dénué de force de loi. Cette intervention est subordonnée à deux conditions remplies à la fin de 1998 :

- l’accord de Nouméa a été approuvé par les habitants de la Nouvelle-Calédonie par 71,87% des suffrages exprimés lors de la consultation du 8 novembre 1998,

- le congrès de Nouvelle-Calédonie a donné un avis favorable le 12 novembre 1998 à l’avant-projet de la loi organique.

La loi organique a été publiée le 19 mars 1999 après décision du Conseil Constitutionnel du 15 mars 1999, la déclarant conforme à la Constitution.

 

×