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LES LETTRES AU GOUVERNEMENT 2018

 

LES LETTRES AU GOUVERNEMENT 2018

 

Lettres au gouvernement

      1 - plaques minéralogiques :

Monsieur le Président,

Votre gouvernement, par la délibération n° 301 du 23 février 2018, a fixé les caractéristiques techniques et les conditions de pose des nouvelles plaques d’immatriculation des véhicules. Vous avez retenu des caractères noirs et forme bâton sur fond blanc rétro-réfléchissant afin d’en finir avec les plaques fantaisies, avec police de caractères stylisée, ajouts personnalisés, fond jaune ou noir, ou autre…

Cette mesure répondrait semble-t-il à l’une des actions inscrites dans le plan quinquennal de sécurité routière (PQSR) 2014-2018 et destinée à renforcer la lutte contre l’insécurité sur les routes par l’amélioration de la visibilité et la lisibilité des plaques d’immatriculation rendant ainsi les contrôles routiers, diurnes ou nocturnes, plus efficaces.

Les conducteurs sont tenus de se mettre aux nouvelles normes avant le 9 mars 2019.

Si votre démarche est honorable, il n’en reste pas moins qu’elle est décalée par rapport à la réalité du terrain et qu’elle n’est pas réglementaire.

Une démarche décalée en effet, car si certains conducteurs, très minoritaires, arborent des plaques fantaisistes rien n’empêchait et n’empêche les services de l’ordre d’intervenir et de verbaliser.

Vous parlez ensuite de lutte contre l’insécurité car ces nouvelles plaques permettraient d’identifier plus facilement les contrevenants en cas d’excès de vitesse, de délit de fuite ou de toute autre infraction au Code de la route. Vous vous basez sur quels chiffres ? Combien y a-t-il de délits de fuite en Nouvelle-Calédonie ? Combien de délits de fuite sont constatés la nuit ?

Je vous signale qu’il y a un nombre effarant de véhicules volés la nuit par la technique du « Home-Jacking », que les auteurs ne sont jamais ou quasiment jamais arrêtés et que ces véhicules sont rarement restitués à leur propriétaires car retrouvés incendiés. Dans ce domaine, il y a assurément quelque chose à faire et ce ne sont pas les nouvelles plaques qui vont aider les forces de l’ordre à réduire l’insécurité routière.

Petit détail technique, il est également mentionné que les lettres doivent avoir un caractère noir et en forme de bâton, mais il n’est pas mentionné le type de police de caractère qui doit être utilisé. Les forces de l’ordre peuvent d’ores et déjà commencer à verbaliser car certains conducteurs ont mis les nouvelles plaques avec des polices fantaisistes. Si vous avez décidé d'automatiser le relevé des infractions il est important d'utiliser une police d'écriture définie qui pourra être lue par le logiciel embraqué, dans le cas contraire cela ne pourra pas fonctionner ou alors les choses n'ont été faites qu'à moitié.

Cette "mesurette" n’apportera rien dans la lutte contre la délinquance routière, les mesures à prendre sont d'une autre nature et ce n’est pas dans ce courrier que je vais les aborder.

Vous n’êtes pas connecté à la réalité et de plus vous ne respectez pas le droit. En effet, la jurisprudence est constante et pose comme principe que les actes administratifs ne peuvent être rétroactifs sauf dans des cas précis et admet deux exceptions au principe :

  1. Première dérogation au principe : lorsque la rétroactivité résulte d'une loi. En effet, la loi, contrairement au règlement, peut présenter un caractère rétroactif, sauf en matière répressive (Conseil Constitutionnel n° 82-155 DC, 30 décembre 1982).
  2. Seconde dérogation : lorsque la loi le prévoit, un acte réglementaire pris pour son application peut légalement disposer pour le passé (voir Arrêt Cour d’Assisses du 7 février 1958, G..., n°38861 et 39862, p. 77). Il en va de même sur le fondement d'un acte international (Voir Arrêt Cour Assisses du 8 avril 1987, P..., n°79840, p. 136). En dehors de telles habilitations, la jurisprudence admet qu'un acte réglementaire puisse légalement comporter un effet rétroactif dans trois cas : 
    • lorsque l'effet rétroactif est rendu nécessaire par le vide créé par une décision d'annulation prononcée par le juge de l'excès de pouvoir (voir Rodière) ; 
    • lorsque l'administration procède au retrait d'un acte illégal (voir Dame Cachet) ; 
    • lorsque la rétroactivité de l'acte est exigée par la situation qu'il a pour objet de régir (Arrêt Cour d’Assisses du 8 juin 1979, Confédération générale des planteurs de betterave,p.269).

Un arrêt du Conseil d’Etat du 25 juin 1948 illustre le principe en vertu duquel un règlement ne peut comporter un effet rétroactif. Cet arrêt va annuler un arrêté 30 décembre 1947 qui avait majoré le prix de l'électricité à compter du premier relevé postérieur au 1er janvier 1948. Il avait donc pour effet de majorer les consommations antérieures au 30 décembre 1947, date de son édiction, et comportait ainsi un effet rétroactif. Si, tout au long du XIXème siècle, le Conseil d'État a annulé les actes administratifs rétroactifs, l'arrêt rendu pour la société du journal "L'Aurore" pose pour la première fois de façon explicite "le principe en vertu duquel les règlements ne disposent que pour l'avenir" et le Conseil d'Etat en profitera pour affirmer solennellement et explicitement l'interdiction faite aux règlements de régir le passé.  

Si le Conseil d’Etat est aussi sourcilleux dans ce domaine c’est pour éviter que des actes administratifs puissent remettre en cause ce qui a pu être, légalement ou réglementairement, fait avant. Les plaques minéralogiques en circulation en Nouvelle-Calédonie ne résultent pas du chaos, d’autres avant vous ont réglementé en la matière.

En métropole, les anciennes plaques d'immatriculation coexistent avec les plaques dites européennes mises en circulation en 2009.

Par la présente nous vous demandons donc de surseoir à l’obligation de changer les plaques existantes, de prendre un amendement à votre délibération stipulant que les plaques minéralogiques en circulation avant la délibération sont réglementaires et le resteront jusqu’à la mise hors circulation du véhicule et que votre délibération ne vaut que pour le futur à partir de la date de la prise d’effet de l’acte.

En cas de non-réponse de votre part, nous saisirons le tribunal administratif qui ne manquera pas de vous rappeler ce principe.

Je vous mets en pièce jointe la circulaire du préfet de la Haute-Corse par laquelle il rappelle aux maires le principe de non-rétroactivité des actes réglementaires. Il est dommage que le représentant de l’Etat pour la Nouvelle-Calédonie ne soit pas intervenu de la même façon pour vous rappeler ce principe. Il est aussi étonnant que les services juridiques, le vôtre tout d’abord, et celui de l’Etat ne vous aient pas conseillé utilement. Ces services peuvent rafraîchir leurs connaissances en consultant les arrétés mentionnés dans le présent courrier.

Dans l’attente de vous lire, je vous adresse, Monsieur le Président du gouvernement pour la Nouvelle-Calédonie, mes plus cordiales salutations.

Antoine Gil , Délégué territorial Nouvelle-Calédonie de l'UPR

 

2 - Centrale électrique au gaz

Monsieur le Président,

La construction de la nouvelle centrale au gaz de Doniambo a suscité et suscite bien des interrogations et des inquiétudes tant par le choix de l'énergie de substitution qui a été fait, que par le financement de ce projet que les calédoniens, tenus à l'écart, vont devoir financer à travers les nouvelles taxes sur les produits pétroliers (TPP).

Connaître le montage de ce projet est un véritable défi. Aucune information détaillée de ce projet ne figure dans un document accessible à tous. Il faut prendre son courage à deux mains, comme l'a fait l'association « Ensemble pour la planète » (EPLP), pour comprendre les enjeux et les décisions prises par les décideurs. Pour ne pas faire redondance avec les propos déjà avancés par EPLP, ce courrier se limitera à mettre en lumière les incohérences et les erreurs de diagnostic de ce projet de construction de centrale au gaz naturel.

Sur le site Internet du gouvernement on peut lire que celui-ci a adopté un projet de loi relatif au financement de la transition énergétique, et notamment de son projet phare : la construction de la centrale au gaz de Doniambo. Son financement passera notamment par l’application, au gazole, de la taxe sur les énergies renouvelables.

Il est ensuite précisé que, pour mener à bien le projet de la centrale au gaz, a été créée en octobre 2016, la société par actions simplifiées "Nouvelle-Calédonie Energie" (NCE) qui sera le maître d’ouvrage du projet dans la phase de développement et de construction.

La Nouvelle-Calédonie s’est aussi dotée, en janvier, de "l'Agence Calédonienne de l’Energie" (ACE), chargée de contribuer à la mise en œuvre du schéma pour la transition énergétique, en participant au financement d’installations électriques compatibles avec ce dernier, telles que la centrale au gaz naturel. Elle concourra ainsi à ce projet à hauteur de 6 milliards et entrera au capital de la société NCE pour en devenir l’actionnaire majoritaire.

De son côté la SLN annonce qu'elle va procéder à l'investissement le plus important jamais réalisé en une seule fois (?).

Pour cette nouvelle centrale, trois objectifs à long terme ont été fixés :

  1. Assurer la pérennité de l’usine de Doniambo pour les 40 années à venir.
    • Ce n'est pas la nouvelle centrale au gaz qui va pérenniser la SLN pour les 40 années à venir. Sa survie ne dépend que de la baisse de la production des pays producteurs de nickel (Indonésie, Philippines, Russie, Australie,) ce qui n'est pas envisagé...
    • Le coût de la construction de cette nouvelle centrale vient s'ajouter au mauvais bilan financier de la SLN.

  1. Être conforme aux normes environnementales de la province Sud de juin 2014 (calquées sur les normes métropolitaines et européennes les plus récentes et les plus exigeantes).
    • Le gaz est aussi polluant sinon plus que le fuel par l'importante émission de méthane (25 fois plus)..
    • Que fera l'industriel des quantités d'huiles usagées qu'il brûle actuellement dans les centrales au fioul ? 

  1. Replacer la SLN dans le milieu du peloton des producteurs de nickel au plan de la compétitivité, grâce à un outil énergétique plus performant qui abaissera son prix de revient.
    • La SLN est déjà dans le peloton mais elle ne peut pas gagner et son nouvel outil ne peut rien contre le coût de la main d'œuvre moins élevée dans les pays producteurs concurrents (Philippines, Indonésie et Russie).
    • La productivité de la SLN est améliorée par le plan de restructuration mis en place, qu'il faut comprendre par plan de licenciement.

  1. Une centrale énergétique au gaz naturel pour les calédoniens et la SLN

Un premier constat s'impose à la lecture des sites du gouvernement et de la SLN : la production électrique à l'usage des particuliers n'est mentionnée nulle part, alors que ces derniers vont payer des taxes sur les produits pétroliers pour permettre sa construction. La démarche semble singulière.

Comme indiqué précédemment, il faut aller chercher les informations sur ce projet. Et l'on apprend à la lecture de l'article 129 relatif à la garantie de l’État à « Nouvelle-Calédonie Énergie » que ce dernier accorde sa garantie afin de financer la construction d’une nouvelle centrale électrique indispensable en Nouvelle-Calédonie, pour assurer le bon fonctionnement de la SLN et enfin, au titre du besoin en matière de distribution publique d’électricité. D’emblée le ton est donné, il s’agit bel et bien de soutenir la SLN et secondairement et accessoirement de fournir de l’électricité aux calédoniens.

Il s'agit donc bien d'une stratégie énergétique visant à disposer d'un outil plus performant que l'actuel. Alors la première question qui se pose est : "Pourquoi cette nouvelle centrale énergétique a été dénommée centrale de Doniambo et pourquoi va-t-elle être érigée sur le site de la SLN ?"Questions subséquentes :

  • Pourquoi, le gouvernement ne garde-t-il pas la main sur la production d'énergie et ne finance-t-il pas ce projet sans l'intervention du privé ?
  • Pourquoi, le gouvernement à travers la STCPI n'intervient-t-il pas en tant qu'actionnaire à hauteur du montant de son actionnariat, soit 34% ?
  • D'où vont provenir les 6 milliards de francs pacifiques de l'ANC pour entrer au capital de la NCE et en devenir l'actionnaire majoritaire ?

Comprendre les enjeux financiers

Une centrale neuve pour une vieille usine...

La SLN s’approvisionne en électricité auprès de l'actuelle centrale électrique au fuel, d'une puissance de production de 160 MW ; celle-ci est exploitée par l’opérateur électrique local Enercal qui répond aux besoins de l'industriel. Le montage actionnarial de la SLN est important car il conditionne les investissements et bien sûr la répartition des dividendes. Eramet détient 56 % des parts, la Société territoriale calédonienne de participation industrielle (STCPI) en détient 34 % et Nisshin Steel 10 %. Depuis quelques années, les actionnaires perdent de l'argent au point qu'un plan de sauvetage de la SLN a dû être mis en place. Son (re)financement intervient sous la forme d’un prêt de l’Etat français d’un montant de 200 millions d’euros, proposé par le Premier ministre Manuel Valls. Cette somme sera prêtée à la SLN pour une durée de 8 ans, à un taux minimum de 4% (qui a négocié le taux ?).

Pour ce faire, l’Agence des participations de l’Etat va devenir actionnaire de la SLN en rachetant une action à l’actionnaire minoritaire japonais Nisshin Steel (10% à 9%).

Dans un premier temps, ce prêt avait été proposé à la STCPI qui n’a pas financé les pertes récentes de la SLN, qu’elle attribue en partie à des choix de gestion auxquels elle n’a pas été associée. C'est ce qu'on appelle botter en touche. La STCPI est, comme les autres actionnaires, membre du conseil d'administration et à ce titre participe à toutes les réunions du conseil d'administration (CA). Y-a-t-elle participé ? Si elle ne l'a pas fait, comme elle semble le dire, elle est en partie responsable de la situation...

Ce refinancement se fera donc sans la participation directe des actionnaires minoritaires de la SLN que sont la STCPI et Nisshin Steel, si ce n’est à travers le remboursement du prêt par la SLN qui réduira d’autant son résultat.

Le besoin global en financement de la SLN, en se basant sur le cours du nickel, avait été évalué à 525 millions d’euros pour la période 2015-2017. Eramet a déjà décaissé 190 millions, auxquels il faut ajouter les 200 millions prêtés par l’Etat. Pour boucler le budget, il manque 135 millions qui resteront à la charge d’Eramet qui table sur la remontée des cours et la réussite du plan de compétitivité renforcé (comprendre plan de licenciement) actuellement engagé pour réduire les pertes.

On apprend aussi que cette nouvelle centrale sera détenue par Nouvelle-Calédonie Énergie (NCE), société de projet, dont l’actionnaire principal sera l’Agence calédonienne de l’énergie (AVE), aux côtés de la SLN, à environ 10 %, et d’autres actionnaires qui ne sont pas encore connus (?). Cette centrale, nous dit-on, pourra être construite, opérée, approvisionnée en combustible et exploitée, le cas échéant, par une ou plusieurs sociétés tierces choisies sur appel d’offres. L'affaire n'étant pas suffisamment simple, il faut la compliquer encore un peu plus !...

Dans ce contexte particulièrement délicat d'une SLN moribonde et sous perfusion dont on espère un rétablissement miraculeux avec l'utilisation de médicaments placébos, la création de cette nouvelle centrale d'énergie devrait, à elle toute seule, tout régler.En fait, à la lecture des différents documents et à l'analyse de la situation financière de la SLN on assiste plutôt à un sauvetage désespéré qu'à la mise en place d'un plan de transition énergétique !...

  1. Qui finance quoi et pour qui ou pourquoi ?

Les projets industriels miniers du Grand Sud et du Nord ont également eu besoin d'énergie électrique pour fonctionner.

Pour les besoins électriques de la société Goro Nickel il a été construit une centrale électrique au charbon. Cette centrale, opérée par Enercal, composée de deux tranches de 2 fois 50 mégawatts, assume deux rôles : •

  • L’alimentation électrique de la distribution publique en y participant à plus de 50 %.
  • L’alimentation électrique de l’usine hydro-métallurgique de Vale NC.

Ce montage avait pour objets :

  • la mutualisation des besoins de la distribution publique,
  • la réduction des coûts d’investissements,
  • l'optimisation de la taille des moyens de production.

Ce choix, fait par Enercal et Vale pour la construction de la centrale de Prony Energie, n'a pas donné lieu à la création de deux agences (ACE et NCE). A t’on instauré une taxe sur les produits pétroliers pour financer la construction de la centrale de Prony ? La réponse est non, alors pourquoi un tel montage pour la centrale.de Doniambo ?...

Dans le Nord, pour les besoins énergétiques de son usine, XSTRATA a construit sa centrale énergétique au charbon dotée d'une capacité de 210 mégawatts produite par deux centrales électriques et renforcées par deux turbines de combustion au fuel de 40 mégawatts comme unités de secours. L'industriel est aussi connecté au réseau public et peut recevoir ou distribuer 35 MW. L'industriel gère lui-même l'énergie dont il a besoin.

Deux industriels, deux montages différents, mais les deux cohérents et clairs. Ce qui n'est pas le cas du montage de la centrale au gaz de la SLN, qui rappelons-le, est propriétaire de sa centrale et en a délégué la gestion à Enercal.

La logique et la cohérence commandaient que l'industriel remplace sa centrale avec ses propres moyens et que la Calédonie à travers la STCPI participe à son financement à hauteur de son actionnariat de 34% et non qu'elle prenne la direction de ce projet.

Nous assistons à une inversion des rôles avec des conséquences directes et fâcheuses pour les calédoniens à travers la TPP et indirecte avec l'augmentation du déficit du pays, non prise en compte dans le cadre de ce projet.

  1. Plan de transition énergétique : une accumulation de mauvais choix

A priori, cette nouvelle centrale énergétique, dont les mérites ne sont plus à faire, sera construite sur le site de Doniambo. Ce choix est très contestable eu égard aux risques liés au stockage et l'utilisation du gaz. Le choix du gaz naturel (énergie fossile), l'emplacement de la centrale, le stockage du gaz et les problématiques associées, l'impact sur l'environnement, le manque de maîtrise des coûts et les impacts sur la santé, tous ces éléments n'ont pas été véritablement examinés.

  1. Gaz naturel contre fuel

Le combat que se livre aujourd'hui les politiques contre les industriels et les constructeurs automobiles est un combat d'un autre temps. Ces deux énergies fossiles sont impactantes, le gasoil par l'émission de CO2 et le gaz par l'émission de gaz à effet de serre (méthane). L'attention du consommateur est détournée des vrais problèmes et de surcroît, il est culpabilisé par l'utilisation abusive de son véhicule à gasoil. Bien sûr le véhicule à essence a retrouvé ses lettres de noblesses après avoir été vilipendé.

Lorsque l'on parle de gaz, les usagers ont tous en tête les effets dévastateurs d'une explosion de gaz (bouteille ou gaz de ville) et pour les rassurer on va leur vanter les mérites du gaz naturel. Ce gaz qui est naturel, comme son nom l'indique, aurait toutes les vertus, mieux il serait miraculeux pour l'environnement et pour l'homme. Il n'en est rien, tous les experts s'accordent sur le point que in fine cette ressource est plus polluante que le pétrole en raison des multiples fuites sur les différentes phases depuis sont extraction jusqu'à sa distribution.

Indépendance énergétique

M. Philippe Gomès, fait adopter par le congrès la nouvelles taxe sur les produits pétroliers (TPP) et déclare : «Elle nous donne les moyens de notre indépendance énergétiqueParce qu’elle protège l’environnement. Parce qu’elle ouvre une nouvelle filière énergétique dans le pays, la filière gaz. Parce qu’elle permet de garantir la compétitivité de la SLN.»

Si l'on en croit les dires de M. Philippe Gomès, nous serions indépendants au plan énergétique. Cette déclaration est pour le moins surprenante, car malheureusement, nous sommes dépendants à 98% des énergies fossiles pour faire fonctionner notre industrie et alimenter en électricité tous les abonnés. Notre production par le voltaïque ou l'éolien nous pose des problèmes de stockage de l'électricité car la production électrique de ces installations coïncide avec le vent et le soleil, phénomènes qui disparaissent avec la tombée du jour. Faut' il s'éclairer le jour pour absorber les pics électriUne source énergétique moins chère

Votre porte-parole poursuit en précisant que la réforme du prix du carburant devrait faiblement impacter les consommateurs, je cite : « Nous souhaitons aller vite  pour profiter d’une baisse à venir des hydrocarbures qui permettra une faible augmentation du gazole à la pompe pour les consommateurs, malgré l’application de cette nouvelle taxe ».

Encore une fois, le consommateur est pris en otage et sert de variable d’ajustement aux différentes politiques décidées sans aucune concertation des forces vives de ce pays.

Les tarifs du gaz, comme vous pourrez le voir dans la pièce jointe, sont indexés sur le prix du pétrole. Nous avons atteint en 2006 le "pic pétrole" c'est à dire que depuis cette date la production mondiale est à la baisse, alors que la demande d'énergie mondiale est à la hausse, c'est pourquoi en 2017 le triste record d'abattage de forêts pour faire de l'énergie a été atteint. Si le prix du pétrole augmente, celui du gaz aussi, les deux étant liés. Le gouvernement ne peut pas avancer de pareilles affirmations.

  1. Respect de l'environnement

Gageons qu'un nouveau scandale apparaîtra d'ici peu sous la dénomination de "Gasoil Gate". Le gasoil ou le fuel sont les ennemis à abattre, mais pourquoi ne s'attaque t-on pas aux grands armateurs dont les navires polluent la planète et notre île lors des passages des paquebots de croisière ?

Ces navires utilisent du fuel lourd et ne sont pas munis de pots d'échappement (ou cheminés) à particules fines contrairement aux véhicules fonctionnant au diesel. Les quinze plus gros tankers du monde consomment autant que les 760.000.000 de véhicules circulant sur la planète.

Que fait 'on pour préserver notre île ?

Un plan de développement touristique pour atteindre le million de visiteurs par an à bord de ces immenses usines à polluer. Voilà la réponse, alors que dans les grandes villes côtières métropolitaines la colère des riverains montent à cause des émissions de fumées toxiques produites par les paquebots de croisière qui utilisent du fuel lourd et qui ne sont pas munis de filtre à particules. La Calédonie n'est pas épargnée contrairement aux déclarations rassurantes faites par les tours opérateurs...

  1. Respect de la santé

Votre porte-parole, Nicolas Metzdorf, souligne que « La Nouvelle-Calédonie rejoint le concert des nations en s’engageant à son tour dans la grande offensive mondiale contre le gazole qui est un cancérigène certain ». Ce n’est pas parce que les nations (de quelles nations s'agit-il ?) organisent un concert, qui est d’ailleurs une véritable cacophonie, que la Calédonie doit les rejoindre.

Des études très sérieuses démontrent que les nouveaux véhicules diesel munis de filtres à particules émettent moins de particules que les véhicules à essence. Il suffisait juste d'éliminer progressivement les vieilles voitures à gasoil en attribuant des primes aux automobilistes pour leur faciliter l'achat d'un nouveau véhicule moins polluant.

Qu'en est-il du filtrage des poussières émises par la SLN ?

A-t-on réalisé une étude indépendante et sérieuse sur les rejets qui sont massivement envoyés la nuit ?

A-t-on conduit une étude indépendante portant sur les conséquences pour la santé des émissions polluantes de la SLN ?

Le gouvernement est garant de la santé publique, de tous les calédoniens.

Les calédoniens rencontrent beaucoup plus de problèmes avec la tyroïde que les métropolitains et le reste du monde, sans compter les problématiques ORL et les cancers. A-t-on fait une étude sérieuse pour en déterminer la cause ? N'y-a-t-il pas une relation de cause à effet entre notre belle usine si bien implantée et les trop nombreux cas d'ablation de la tyroïde ?

En 1990, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) a classé les composés du nickel dans le groupe 1 (cancérogène pour l'Homme) et le nickel métallique dans le groupe 2B des agents possiblement cancérigènes pour l'homme. Ces agents provoquent des cancers du poumon, de la cavité nasale et des sinus.

Dans sa dernière édition, le Bulletin Médical calédonien et polynésien a indiqué qu'en 2002, l'incidence du cancer de la thyroïde chez la femme en Nouvelle-Calédonie est de 50,8 cas pour 100.000 habitants et de 9,3 cas chez l'homme. Ces chiffres sont 8 fois supérieurs aux moyennes mondiales. Les chercheurs ont écarté la piste du nucléaire (irradiation externe).

Comme toujours, il faudra attendre le jour où il sera établi de façon irréfutable la relation de cause à effet entre le cancer de la thyroïde et le nickel. Il eut été responsable de mettre en avant le principe de précaution pour obliger la SLN à se délocaliser.

  1. Les énergies renouvelables

Le chapitre le plus important concerne les énergies renouvelables qui selon Nicolas Metzdorf, auront leur place et la centrale au gaz sera un outil clé de la Nouvelle-Calédonie qui lui permettra de « réduire ses émissions (celles de soufre, notamment, seront nulles), développer de nouvelles filières économiques liées au gaz, diminuer le coût de production de la SLN pour la rendre plus compétitive et faire baisser le coût de l’électricité »« Le gouvernement veillera à ne pas sur-dimensionner cette centrale afin de laisser suffisamment de place aux énergies renouvelables qui devront répondre aux besoins de la consommation publique. »

Parmi toutes les énergies renouvelables, la plus intéressante de toutes et celle qui pourrait être développée en Nouvelle-Calédonie, n'est évoquée nulle part.

Il s'agit de l'énergie marémotrice.

La Calédonie a des atouts que les autres nations n’ont pas. C’est une île entourée d’une barrière corallienne, elle bénéficie de l'alizé et d’un ensoleillement exceptionnel. La barrière corallienne est entrecoupée de passes par lesquelles le mascaret à périodes fixes et invariables exerce un courant  intense et bidirectionnel pouvant activer une usine marémotrice. Ce choix est un véritable choix de transition énergétique qui s’inscrit dans le développement durable et peut réduire assez fortement notre dépendance énergétique.

A cette ressource énergétique inépuisable, il faut y adjoindre le solaire, l’éolien et la biomasse et l'on peut couvrir en grande partie les besoins du pays.

A la lecture de la déclaration du gouvernement, la centrale au gaz de Doniambo sera un outil clé du pays. Cette déclaration est incompréhensible car on ne peut remplacer une énergie fossile par une autre alors que toutes deux sont corrélées et tout aussi impactantes au plan environnemental.

La Calédonie pourrait se doter de plusieurs centrales marémotrices, à la manière de la métropole. Citons celle de l’estuaire de la Rance située dans le nord-est de la Bretagne. Mise en service en 1966, elle dispose d’une capacité de 240 MW et est restée la plus grande usine marémotrice au monde pendant 45 ans, jusqu'au 4 août 2011 où elle a été détrônée par la centrale de Sihwa Lake en Corée du Sud, légèrement plus puissante (245 MW). Citons qu’en 2009-2010, la capacité de production totale de la SLN est de 451 MW, soit l’équivalent de deux usines marémotrices comme celle de la Rance. Remplacer douze centrales thermiques (gasoil) par un certain nombre de centrales marémotrices pour obtenir la même capacité de production qui pourrait être majorée par l’éolien et le photovoltaïque, n’est pas impossible. Il faut juste une vraie volonté politique et avoir le souci des générations futures.

Cependant, il convient d'être réaliste car ces énergies renouvelables ne peuvent à elles seules assurer l'indépendance d'un pays même de la Nouvelle-Calédonie. Ces énergies ne peuvent se substituer au pétrole car elles en dépendent. On ne peut pas construire une usine marémotrice sans pétrole, on ne peut pas assurer la maintenance de ces sites sans pétrole, y compris les centrales nucléaires, on ne peut pas fabriquer des panneaux solaires sans pétrole, on ne peut pas construire des éoliennes sans pétrole, on ne peut pas exploiter des mines sans pétrole, on ne peut pas communiquer par voie maritime sans pétrole (95% des échanges mondiaux), par contre si l'on ne construit pas cette usine à gaz c'est une grande économie de pétrole, c'est aussi ne pas augmenter la dette du pays, c'est aussi éviter par anticipation le crash annoncer d'une SLN moribonde qui aura englouti, comme un puits sans fin, des milliards de francs pacifiques.

  1. Les dangers d'explosion liés à une centrale au gaz

Aucune déclaration des responsables de votre gouvernement ne parle des dangers liés à l'explosion du gaz stocké sur le site. Si une centrale électrique au gaz n’est pas classée SEVESO, il en est tout autrement pour le stockage de gaz naturel liquéfié. Actuellement, le seuil de classement est à 50 tonnes, soit 100 m3, alors que le stockage envisagé est au moins de 24.000 m3, voire 30.000 m3. Un tel volume de gaz stocké obligerait à un classement SEVESO.

L'étude de danger conduite indique qu’il faut établir un rayon de 1,5 km à 2 km pour limiter les effets létaux. A partir de l'épicentre de Doniambo on constate que des zones à forte concentration de population se situent essentiellement dans ce rayon (Pièce jointe N°2).

Peut-on prendre un tel risque, ou plutôt pouvez-vous prendre un tel risque ?

La réponse est non.

  1. Qui prend les bonnes décisions dans ce pays ?

Compte tenu de la cacophonie régnante, les calédoniens se posent légitimement la question de savoir qui, du président du gouvernement ou du député de Calédonie Ensemble, gouverne ?

Etre à la tête de l'exécutif d'un pays, même s'il est tout petit, n'est pas une chose aisée. Une décision aussi importante que celle de la transition énergétique et de la construction d'une usine énergétique à gaz naturel aurait dû être soumise aux calédoniens, sous forme de consultation.

Pourquoi A-t-on créé ces deux agences (NCE et ACE) ?

Combien de personnes dans ces deux structures ?

Coût de la masse salariale ?

Ces questions sont pertinentes car il s’agit bien de notre argent.

Dernièrement, M. Philippe GOMES a été sommé de démissionner de son poste de président de la NCE par les Républicains calédoniens au motif de conflit d'intérêts. Il est curieux qu'il ait pu être nommé à la tête d'une telle structure, qui compte tenu de sa technicité devrait être confiée à un ingénieur expérimenté.

En fait, nous avons l'impression que les nouvelles taxes sur les produits pétroliers (TPP) adoptées par le congrès sont une victoire pour M. Philippe Gomès qui déclare : «Elle nous donne les moyens de notre indépendance énergétiqueParce qu’elle protège l’environnement. Parce qu’elle ouvre une nouvelle filière énergétique dans le pays, la filière gaz. Parce qu’elle permet de garantir la compétitivité de la SLN.»

Comment peut-on parler d'indépendance énergétique alors que l'on va importer le gaz ?

Comment peut-on protéger l'environnement alors que les effets du méthane sont supérieurs au CO2 émis par la combustion du fuel ?

Comment peut-on parler de compétitivité de la SLN alors que le coût du gaz et du gasoil sont corrélés (voir pièce jointe) ? Le véritable problème est le coût du nickel produit par des pays concurrents tel que l'Indonésie qui domine avec 21% de la production totale minière dans le monde, suivie de l'Australie 14%, des Philippines avec 11%et de la Russie 11%. La Nouvelle-Calédonie ne représente que 7%, ce qui peut paraître satisfaisant pour une collectivité de moins de 300.000 habitants...

Ces pays produisent plus et moins cher. Quelle solution pour la Nouvelle-Calédonie avec une telle équation ?

Toutes ces questions méritent une réponse précise et nous vous serions reconnaissants si vous preniez le temps de nous répondre. Par ailleurs, nous vous demandons de supprimer instamment la NCE, car cette société n’a aucune légitimité à prélever un impôt indirect (la TPP) lui-même illégal ; les calédoniens n’ont pas à payer une taxe sur les produits pétroliers pour la construction d’une centrale énergétique dédiée à un industriel. Il en est de même pour l’ACE qui n’a aucune légitimité puisqu’il existe au sein des institutions calédoniennes deux directions qui peuvent suivre le projet de construction de la centrale à gaz, il s’agit de la DIMENC et de la DENV. S'agissant de cette société, nous ne savons pas d'où elle va tirer les 6 milliards de francs pacifiques pour devenir l'actionnaire majoritaire de la NCE. Cette question nous intéresse au plus haut point.

A l’heure où la Nouvelle-Calédonie a un endettement de 93% de son PIB, que l’achat des nouveaux avions pour Aircalin va amener le déficit budgétaire à 150%, à combien l’endettement de notre pays va-t-il se monter avec la construction de cette centrale énergétique ?

En conclusion, je ne peux que vous contredire en affirmant que ce nouvel outil ne sera pas moins coûteux pour le réseau public et qu’il ne diminuera pas le prix de l’électricité consommée par les calédoniens.

La question de la légalité du prélèvement de la TPP et de la légitimité de la NCE sera portée devant le tribunal administratif.

Dans l’attente de vous lire, je vous adresse, Monsieur le président, mes cordiales salutations.

Antoine GIL, Délégué territorial de l'UPR Nouvelle-Calédonie

3 - PLAN SECURITE DELINQUENCE :
 


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