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Les Fédéralismes

Les Fédéralismes

Cet ouvrage collectif sous la direction de Jean-Yves et Florence Faberon expose un état actuel des multiples mises en œuvre des idées fédérales à travers le monde avec une perspective d’application à la Nouvelle-Calédonie.

Le fédéralisme est une dynamique institutionnelle propre à établir des formes d’Etats fondés sur la conciliation des principes d’autonomie et de solidarité des collectivités membres. Le fédéralisme est un mode volontariste du vivre ensemble. Les fédéralismes sont par essence tolérants et démocratiques. Ils accommodent des cohésions consenties et sont le produit d’accords de paix et de progrès, de protection mutuelle et de liberté.

Actuellement de par le monde on compte 28 Etats fédéraux qui se répartissent en fédéralisme par agrégation (conséquence de la réunion d’Etats indépendants possédant des traits historiques et humains communs) ou en fédéralisme par désagrégation (empêchant l’éclatement ou la disparition d’un Etat unitaire ex : la Belgique).

La grande expérience moderne de fédéralisme est celle des Etas –Unis d’Amérique. Elle illustre le rapport entre autonomie, fédéralisme et démocratie. Le caractère nécessaire du lien entre fédéralisme et démocratie est illustré par l’expérience américaine qui laisse aux entités fédérales l’organisation de référendum d’initiative populaire. La structure fédérale offre de meilleures garanties de prise en compte des revendications démocratiques d’autonomie et de participation. Le génie du fédéralisme est d’offrir autant l’espace indispensable à la différence  que celui nécessaire au consensus national et au compromis. Le fédéralisme américain est un symbole et une illustration du compromis en politique. Pour donner aux grands Etats une place qui reflète leur poids relatif il a été décidé la constitution d’une première chambre ( la chambre des représentants) composée d’un certain nombre d’élus en fonction de la population de chaque Etat et pour calmer les craintes des petits Etats il a été décidé une deuxième chambre ( le Sénat) composée de 2 sénateurs de chaque Etat quelle que soit sa population.

  • Le fédéralisme Allemand : la répartition des compétences entre le Bund et les länder est organisée sur la base d’un système de séparation interdisant toute gestion mixte (administrative ou financière). Ils ont chacun leur champ de domaine législatif.
  • La Belgique, un Etat fédéral singulier : La Belgique n’est plus seulement une monarchie constitutionnelle représentative mais également un Etat fédéral composé de communautés (française, flamande, germanophone) et de régions (wallonne, flamande, bruxelloise). Le dédoublement en catégories superposées de collectivités fédérées est le reflet de la présence simultanée de 2 revendications d’autonomie, l’une économique et sociale, l’autre culturelle et linguistique. Les compétences des régions sont ramenées à 3 grands secteurs (aménagement du territoire, secteur socioéconomique, organisation des pouvoirs locaux) celles des communautés sont dévolues à l’enseignement, aux matières culturelles, à l’emploi des langues. Ce clivage  d’abord  linguistique a été renforcé par un clivage économique puis social. La Belgique est bien un Etat fédéral bipolaire formé par désagrégation, contaminé par le virus du séparatisme.

Le Fédéralisme suisse, une construction séculaire réussie : fédéralisme par agrégation, la confédération helvétique est composée de petits Etats souverains (les cantons) qui ont fait le choix de s’associer afin de préserver leur indépendance face aux grandes puissances européennes. On parle d’un fédéralisme coopératif et égalitaire qui préserve les grands équilibres principalement entre latins et alémaniques, petits et grands cantons, villes et campagnes, protestants et catholiques.

Le pouvoir législatif est constitué de deux chambres, une chambre basse représentant le peuple et élue au suffrage proportionnel et une chambre haute, composée de deux représentants par canton, élus au système majoritaire. Ceci permet de préserver l’esprit de la Suisse des origines, à savoir une alliance entre cantons égaux en droits. Il faut l’approbation des 2 chambres pour qu’un projet de loi soit adopté .Le pouvoir exécutif est exercé par le Conseil fédéral, un collège gouvernemental de 7 membres, élus par les chambres parlementaires

Les pouvoirs non expressément délégués à l’Etat fédéral restent aujourd’hui encore des prérogatives cantonales, redonnant le pouvoir directement au peuple et faire de lui le seul souverain véritable. C’est ainsi qu’ont été créés les droits d’initiative populaire et de référendum. Le peuple a donc réellement le dernier mot dans tous les domaines de la vie publique et ceci oblige les politiciens suisses à faire preuve d’une certaine modestie et d’une grande prudence.

Le Fédéralisme canadien, un caractère plurinational : produit d’un compromis il est apparu comme un moyen d’unir dans la diversité des composantes  nationales distinctes notamment linguistiques et religieuses. Le caractère plurinational du fédéralisme canadien, trait constitutif essentiel, ne figure pas comme il le devrait dans les textes constitutifs du fait des pouvoirs exorbitants des autorités centrales en matière de partage de compétences (celles d’ordre économique à l’état fédéral, celles dans les domaines sociaux, culturels, judiciaires, locaux et environnementaux aux provinces). Les programmes à frais partagés permettent à l’Etat fédéral de jouer un rôle majeur dans des champs de compétence provinciale.

L’Union Sud-Africaine se fonde sur un partenariat local et horizontal entre les colonies de peuplement européennes et une relation verticale et acceptée à l’empire britannique. Elle est constituée de 4 provinces : 2 d’origine britannique (le Cap et le Natal) 2 d’origine hollandaise (le Transvaal et l’Etat libre d’Orange). L’Union ainsi réalisée entre Britanniques et Hollandais se réalise au détriment des populations noires. Il s’agit d’un provincialisme fédéré dans un Etat unitaire.

Le fédéralisme Indien est la résultante du glissement de l’Inde britannique à l’Inde indépendante passant d’un système unitaire à un système fédéral et de l’assimilation de l’Inde princière jusque-là autonome au reste du pays. La répartition des compétences donne primauté au gouvernement fédéral dans les domaines tels que la défense, les affaires étrangères, la monnaie et la fiscalité, le commerce extérieur et interétatique. Toute incompatibilité entre une loi fédérale et une loi étatique se résout en faveur de la première ce qui souligne la force du gouvernement fédéral et rend le fédéralisme indien unique. Le gouvernement fédéral peut ordonner aux Etats de construire et d’entretenir des moyens de communication d’importance nationale ou militaire, le coût étant toutefois pris en charge par le gouvernement fédéral.

Le fédéralisme australien est un fédéralisme externe par ses origines de territoire lié au Royaume-Uni et un fédéralisme interne par sa dynamique d’union d’Etats fédérés. Il est un fédéralisme uni-national et multiculturel.

Le fédéralisme micronésien reste sous le contrôle des Etats-Unis pour la sécurité et la défense. Il est en réalité un accord de libre association avec les Etats-Unis.

Un projet fédéral pour la Nouvelle-Calédonie :

Déjà dans l’Accord de Nouméa qui qualifie l’organisation institutionnelle qu’il instaure de « souveraineté partagée » figure une dynamique fédérale de type associatif.

Le fédéralisme pourrait permettre à la Nouvelle-Calédonie d’accéder à un statut d’Etat tout en composant un ensemble structuré avec la France. Ceci représenterait un heureuxcompromis entre les attentes contradictoires en présence. Les institutions du fédéralisme sont en mesure de concilier les différences et d’exprimer la recherche des consensus. Ainsi le fédéralisme peut s’avérer particulièrement riche en ce qu’il représente un modèle abouti de décolonisation dans le respect mutuel des différences. La Nouvelle-Calédonie qui cherche une solution n’opposant pas les camps les uns contre les autres et permettant de relier les revendications de chacun, un Etat pour les indépendantistes, un maintien dans la France pour les non-indépendantistes, doit envisager cette possibilité du fédéralisme.Ainsi la sortie de l’Accord de Nouméa pourrait s’inscrire dans un temps résolument fédéral, celle du fédéralisme institutionnalisé. Ce serait une solution médiane et novatrice.

Il importerait alors de fédérer par l’organisation d’un double fédéralisme :

  • Un fédéralisme externe, la Nouvelle-Calédonie deviendrait un Etat à la satisfaction des indépendantistes, constitutionnellement fédéré à la France, à la satisfaction des partisans de la Calédonie française. La Nouvelle-Calédonie, Etat fédéré de la république française, continuerait d’être protégée et soutenue par l’Etat central.
  • Un fédéralisme interne, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie serait constitué de la réunion des exécutifs des provinces dont chacune verrait ses propres pouvoirs renforcés.
  • Il semblerait aussi de bon ton d’émanciper le congrès de la Nouvelle-Calédonie de son rattachement congénital aux assembléesprovinciales pour favoriser une affirmation progressive d’une identité calédonienne plus marquée. Il pourrait alors être envisagé un double scrutin de liste à la proportionnelle, l’un à l’échelle des provinces pour pourvoir les sièges des assemblées de province et l’autre à l’échelle de la Nouvelle-Calédonie pour les élus du congrès.
  • Il convient aussi de réfléchir au problème du bicamérisme, une chambre haute (le congrès) représentative des entités fédérées à savoir les provinces / une chambre basse (le sénat coutumier) représentative de la coutume mais aussi des cultures des autres communautés.
  • Comme dans tout système fédéral se posera la question du partage des compétences et des ressources avec le sempiternel débat sur la « clé de répartition » et sur les compétences réciproques attribuées au pouvoir central (congrès et gouvernement de la Nouvelle-Calédonie) et aux entités fédérées (les provinces).
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Le fédéralisme est capable, dans une mise en œuvre calédonienne, de faire émerger des conciliations des non indépendantistes et des indépendantistes. La seule dynamique qui se prête à être nuancée par le dialogue des deux familles politiques, à être adaptée à l’identité calédonienne plurielle et susceptible d’aboutir à un consensus, c’est celle du fédéralisme ouvert à l’imagination et à l’inventitvité.

Michel Hanocque (Septembre 2020)