PROJET POUR L'INDÉPENDANCE

Dans son projet pour « l’après 2018 », que très peu de personnes semblent avoir pour l’instant lues ou étudiées, l’Union Calédonienne présente pour la première fois par écrit sa vision d’une Nouvelle-Calédonie indépendante. Attendu depuis tellement longtemps que ça en était devenu l’Arlésienne, voici enfin le projet de « Kanaky ».

Espérons que ce document n’a pas encore fait parler de lui seulement parce que nous sommes en pleine période de vacances estivales ? Car dans le cas contraire, cela voudrait dire qu’aucun journaliste du territoire n’a pris la peine de s’intéresser au projet de l’Union Calédonienne ou, plus grave, que personne n’a rien trouvé à y redire. Le parti de Daniel Goa a en effet profité de son dernier comité directeur à Pouébo pour rendre public un document d’une vingtaine de pages, censé présenté l’ensemble de ses propositions pour la Nouvelle-Calédonie si jamais une majorité de Calédoniens votaient en 2018 pour l’indépendance. Du côté des médias, Nouvelle-Calédonie 1ère n’en a pas parlé. Le quotidien les Nouvelles Calédoniennes a seulement évoqué le fait que des « outils ont été préparés [par l’UC] tels qu’un document sur le projet de société ». Les autres médias ou organes de presse ont seulement partagé le document en question et laissé leurs lecteurs en prendre connaissance. Voici donc quelques-unes des propositions phares des indépendantistes de l’UC, lesquelles ont pour titre : « Après 2018, Notre vision de la nation ». Le document dans son intégralité est disponible au bas de cet article et nous invitons bien sûr tous les lecteurs à en prendre connaissance par eux-mêmes afin de se faire leur propre avis sur la question.

Naturellement, comme dans tout programme politique (puisque c’en est un), celui-ci comporte toutes les formulations éculées que personne n’imaginerait remettre en cause tel que « la lutte contre les inégalités », « la protection des personnes vulnérables », « le respect de l’environnement » etc… Si l’Union calédonienne n’explique pas comment atteindre ses objectifs, elle fixe en revanche – et pour la première fois – un cap et les principes sur lesquels reposerait l’indépendance. Et c’est justement cela qui est intéressant. Nous présentons donc ici ces propositions (de façon non-exhaustive) sous la forme d’un classement parmi les catégories qui semblent devoir être mis en avant et connues de l’opinion publique calédonienne.

Parmi elles, celles qui pourraient pour un esprit lambda être sujettes à questionnement ou paraitraient simplement incohérentes mais aussi celles qui risqueraient bien de mettre fin à l’idée même de « Vivre Ensemble » et de « Destin Commun » et qui n’augurent, en fait, rien de bon pour l’avenir…

Plus de devoirs, mais des obligations

En République Française, on a l’habitude de dire qu’un citoyen a des droits mais aussi des devoirs. Mais dans le projet de l’UC, les futurs citoyens auront surtout des obligations. Tout d’abord, celui de voter :

« Le vote sera obligatoire lors des scrutins de la vie politique (page 5 ; l’indépendance selon l’UC) »

Nous savons que l’Union calédonienne fait encore pression sur l’Etat pour que l’ensemble des kanaks soient inscrits automatiquement sur les listes électorales même quand ceux-ci n’ont jamais voulu l’être ou n’ont simplement pas effectué les démarches administratives en ce sens. Demain, si la Calédonie devenait indépendante, l’UC souhaite que tous les kanaks soient donc dans l’obligation d’aller voter à chaque scrutin. Après l’obligation d’être inscrit, l’obligation du vote. De même, s’agissant de l’école, la grande réforme proposée s’applique aux langues kanakes :

« Dans le secondaire, les langues kanakes deviennent seconde langue vivante obligatoire ; les autres langues d’enseignement sont optionnelles (page 11; l’indépendance selon l’UC) »

Adieu Anglais, Espagnol et Allemand au collège et au lycée. Place au Xanacuu pour tout le monde ? De même, si l’UC n’oblige pas les lycéens à continuer leurs études, elle prône néanmoins la fin de toute sélection après le baccalauréat, quelle que soit la filière :

« L’accès à l’université et aux formations supérieures ouvert à tous (page 11; l’indépendance selon l’UC) »

Cette proposition laisse donc entendre qu’el en sera fini des sélections en classe prépa, en BTS, en école de commerce ou en médecine. En la matière, privilégier la quantité aux dépends de la qualité pose évidemment question.

Un pouvoir central qui pourra exproprier et utiliser la répression !

Selon le projet de l’UC, les institutions de la Nouvelle-Calédonie indépendante seraient organisées autour d’un « parlement national » (le congrès d’aujourd’hui) et ses membres deviendraient chacun des « députés nationaux » (page 5). De plus, le gouvernement serait élu par cette assemblée mais aussi par le sénat coutumier, d’ailleurs un sénateur coutumier serait choisi par les chefs coutumiers pour faire partie du gouvernement. Le gouvernement sera dirigé par un 1er ministre qui disposera de l’ensemble des pouvoirs exécutifs. Ce dernier pourra même dissoudre l’assemblée qui l’a élu si ça lui chante !

« Le gouvernement, collégial, sera issu à la proportionnelle des groupes de l’assemblée nationale et aura un représentant désigné par le sénat coutumier (…) Le gouvernement dispose de l’essentiel des pouvoirs exécutifs. Il est présidé par le 1er ministre, qui disposera du droit de dissoudre l’assemblée nationale (page 11; l’indépendance selon l’UC) »

L’UC décrit donc les institutions futures du pays indépendant. On note que la collégialité, dont on sait les limites et les manques, demeure dans le projet. La question se pose par ailleurs sur le membre du gouvernement désigné par le Sénat coutumier, c’est-à-dire hors de tout circuit démocratique puisque l’électeur n’aura pas son mot à dire sur la question.

S’agissant de l’épineux sujet du foncier, le projet de l’Union Calédonienne manie quelque peu la contradiction. Il semble maintenir le principe de la propriété privée, tout en expliquant clairement que l’expropriation sera renforcée « pour cause d’intérêt public », lui-même défini par le futur gouvernement :

« Les cessions foncières au titre du lien à la terre seront maintenues. Elles se feront sur les terres du domaine de l’Etat (…) L’expropriation pour cause d’intérêt public majeur, et son équivalent sur terre coutumière, sera renforcée (page 8; l’indépendance selon l’UC) »

Bien évidemment, toute la question tient aux moyens et aux conséquences de cette capacité « renforcée » d’expropriation. De la même manière, page 10 du document, l’Union Calédonienne précise comment le pays, une fois indépendant, entendra faire participer les citoyens à ses projets. Et l’UC écrit noir sur blanc que l’un de ces moyens sera « la répression »…

« La participation active des citoyens sera systématiquement recherchée, par l’action combinée de l’éducation, la mobilisation populaire et, quand il le faut, la répression (page 10; l’indépendance selon l’UC) »

Alors que jusqu’à présent l’UC s’interrogeait sur la nécessité pour le futur pays de se doter d’une force armée, il semble que sur ce point, on note une évolution. Le parti de Daniel Goa rappelle qu’il est pour la création d’un corps d’armée, et que ce dernier pourra être chargé de gérer « l’ordre public » :

« Une petite force armée nationale (…) qui pourra venir en appui aux forces de sécurité intérieure, en cas de menaces graves (…) à l’ordre public (page 14; l’indépendance selon l’UC) »

Naturellement le projet stipule (page 14) que l’ensemble des forces policières et armées ne sera constituée, sauf exception, que de « citoyens » du pays :

« Ses forces sont composées des polices urbaines et rurales, de la police des frontières, ainsi que des divers corps de sécurité civile. Elles recruteront sauf exception des citoyens (page 14; l’indépendance selon l’UC) »

Car en parlant de citoyens et de non-citoyens, l’Union calédonienne expose très bien sa vision des choses.

Les citoyens et les proscrits

Dès les premières pages, l’Union Calédonienne s’attache à définir qui pourraient être citoyens/nationaux de la Nouvelle-Calédonie indépendante c’est-à-dire (page 12 du document) « seront des nationaux du pays indépendant les personnes légalement citoyennes avant la consultation de 2018, et celles pouvant y voter ». Les autres seront des non-nationaux, avec toutes les conséquences que cela implique :

« Le principe de la préférence à l’emploi pour les nationaux sera renforcé. Les non-nationaux pourront travailler au pays, pour autant que leur emploi ne porte pas préjudice à l’emploi des nationaux, et qu’il soit utile au pays »

En page 12, le projet de l’UC reprend un des thèmes majeurs de la revendication indépendantiste : le contrôle à l’entrée des frontières.

« L’entrée et le séjour des non-nationaux seront réglementés (…) Les arrivées et départs seront strictement répertoriés (page 12) »

De plus, toujours selon l’Union Calédonienne, si la Nouvelle-Calédonie devenait indépendante, les non-nationaux n’auraient plus le même accès à la propriété parce que « les nationaux auront priorité pour l’acquisition de biens immobiliers (page 8) ».

Pot-pourri de propositions pourries

• Le contrôle des médias

L’Union Calédonienne précise ainsi dans son projet d’indépendance le futur pouvoir en place « veillera à ce qu’aucun groupe ne domine l’information du fait qu’il dispose de moyens techniques ou/et financiers supérieurs (page 4) ». Cela pose évidemment le problème de Nouvelle-Calédonie 1ère dont le budget avoisine les 3 milliards de francs par an. Or, le budget de la succursale de France télévision est bien plus important que ceux des autres médias du territoire. L’UC voudrait-il donc fermer NC1ère ? Ou bien lui retirer son budget ? Voire. Même chose pour le seul et unique quotidien calédonien. Par sa position « monopolistique », le journal LNC domine en effet la presse écrite calédonienne. Mais alors, qu’est-ce que les dirigeants de l’UC ont derrière la tête ? Une prise de contrôle via une « nationalisation » ? D’autant plus que le document évoque des « sanctions » en cas de « fausses informations » relayées par les médias. Mais qui jugera que celles-ci sont fausses ?

• La fin de la désindexation et des transferts financiers de l’Etat

Dans le projet d’indépendance de UC, on trouve naturellement la vieille antienne des indépendantistes selon laquelle on dépense en Nouvelle-Calédonie beaucoup trop pour la santé des gens (Gérard Reigner, secrétaire général du parti, l’avait déclaré lui-même au cours d’une interview : En cas d’indépendance « on maintiendra pas le même train de vie » ). Raison pour laquelle l’UC veut diminuer :

« Une meilleure adéquation du système de santé sera recherchée, qui vise à la fois un contrôle plus strict de ses coûts, un service plus adapté aux besoins réels et la valorisation maximale des compétences locales (page 6) »

Le fait de souligner que le système de santé doit s’adapter « aux besoins réels des gens » démontre d’ailleurs que, selon l’UC, les malades soignés actuellement en Nouvelle-Calédonie présuppose-t-il que les Calédoniens n’auraient pas réellement besoin des soins qui leur sont prodigués. Car, à la vérité, l’indépendance version-UC a surtout besoin de faire des économies puisqu’elle entend renoncer aux transferts financiers de l’Etat :

« S’il est exact que la France apporte au pays une aide financière importante, ces financements artificiels amènent avec eux de nombreux défauts : hausse des inégalités, gaspillage, vie chère, surévaluation de la monnaie, et, pire que tout, une passivité de notre population envers son propre développement (page 7) »

Et pour lutter contre cette « passivité de la population », l’UC souhaite mettre en place la fin de la désindexation en prônant : « l’harmonisation progressive des salaires du public et du privé qui sera source de dynamisme économique, de modération des prix et de justice sociale (page 7) ».

• Payé pour rester à la tribu ?

Si elle reste vaporeuse, une autre proposition vise à créer de nouveaux jours de congés ou à mettre en adéquation les vacances scolaires avec les fêtes mélanésiennes ou les temps coutumiers. C’est là l’une des propositions défendues par l’UGPE depuis des années. L’organisation de parents d’élèves kanaks souhaite en effet que les élèves soient dispensés de cours durant les travaux des champs et pendant la période des mariages. L’UC a donc choisi de reprendre à son compte cette revendication :

« Le temps de travail, le rythme scolaire, intégreront mieux les temps culturels, pour que chacun vive en harmonie ces différents espaces (page 6) »

Enfin, dans son projet d’indépendance, l’Union Calédonienne prône une sorte de Revenu Minimum d’Insertion pour les personnes (kanak) désirant retourner vivre à la tribu, en aidant financièrement ce qu’elle appelle « un choix de vie » :

« Les choix de vie sur terres coutumières seront reconnus, et en fonction des besoins, aidés. (page 6) »

La place des femmes…

L’UC présente dans son projet pour la « Kanaky » l’idée qu’elle se fait de la place des femmes en prônant d’une part : « une place équitable des hommes et des femmes sera recherchée, dans tous les domaines politique, économique, social et culture » et en promettant que « la place des femmes sera renforcée, dans tous les secteurs de la vie politique et sociale (page 6) ».

 


 

 

 

 

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