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LE S.G.A.E.

Le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) est un service du Premier ministre. Situé rue de Bellechasse, en plein cœur des beaux quartiers de Paris et à deux pas de l’hôtel de Matignon, c’est une administration tout à fait officielle, quoique petite et discrète, qui compte environ 175 agents. Le site Linkedin montre le haut degré de qualification de ses effectifs. Son budget annuel est de 16,6 millions d’euros, dont 11 millions d’euros de dépenses de personnel, sans compter le coût des 35 agents détachés d’autres ministères.

Comme toute administration, un changement de gouvernement n’entraîne pas automatiquement le remplacement de ses agents, ce qui est un facteur important dans la continuité d’action de ce service.

 

Nous n’avons trouvé qu’un seul article de presse traitant du SGAE, s’attardant sur la question de savoir s’il doit dépendre de Matignon ou de l’Élysée. Or ce débat n’a aucune portée autre que politicienne, le vrai sujet étant que “ le secrétaire général du SGAE est l’un des personnages les plus importants de la République ” (3), et que le SGAE peut même être qualifié de “ petit État dans l’État ”. (ibid.)

Pour commencer, attardons-nous sur 3 des attributions du SGAE, telles que rappelées sur son site internet et conformes au décret- N°2005-1283 qui l’instituait :

  • 1°)Assure (…) la mise en œuvre des procédures qui incombent au Gouvernement pour l’application de l’article 88-4 de la Constitution

C’est précisément par la mise en œuvre de cet article de la Constitution que la France doit se soumettre aux diktats de la commission européenne.(4)

 

  • 2°) “ Veille à la mise en œuvre, par l’ensemble des départements ministériels, des engagements souscrits par le Gouvernement dans le cadre des institutions européennes. ”

 

  • 3°)Assure la mise en œuvre des règles du droit de l’Union européenne ainsi que le suivi interministériel de la transposition des directives et des décisions-cadres, en liaison avec le Secrétariat général du Gouvernement. ”

Ces attributions font du SGAE un service clé, chargé de mettre au pas européen l’ensemble de nos ministères (sous la douce appellation de “ coordination interministérielle), et en cascade toutes nos administrations.

 

Le site internet du SGAE se garde bien de trop s’étendre sur ces trois attributions, préférant commenter abondamment les autres, telles que la défense des positions de la France ”, “ les positions de négociations du Gouvernement ”, “ l a présence française ”, etc.

Or, quiconque est eurolucide sait pertinemment que ce genre d’expressions ne sont que des slogans creux, ce que des parlementaires français reconnaissent eux-mêmes ! (voir encadré I, plus loin)

Ce diagramme officiel place le SGAE au centre des relations entre l’État français et les autorités européennes. Remarquez également que les deux Chambres du parlement sont prises en tenaille entre le SGAE et Bruxelles. On appelle ça une démocratie!

 

LE SGAE ET LA TRANSPOSITION DES DIRECTIVES

Dès 2004, une circulaire interministérielle précisait la “ procédure de transposition en droit interne des directives et décisions-cadres ”.  Cette circulaire évoque le “ SGCI ” qui un an plus tard sera rebaptisé “ SGAE ” (nous y reviendrons plus loin).

On retiendra de cette circulaire :

la constitution d’un réseau interministériel de correspondants de la transposition ”,

et le principe suivant :

“ Dès que la directive ou la décision-cadre a été publiée, son texte est transmis par le SGCI au ministère désigné en qualité de chef de file, aux autres ministères intéressés et au secrétariat général du Gouvernement (SGG). Dans un délai fixé par le SGCI et qui ne saurait excéder trois mois suivant cette transmission, chacun des ministères participant à la transposition adresse au SGCI un échéancier d’adoption des textes relevant de ses attributions, accompagné, pour chacun de ces textes, d’un avant-projet de rédaction et d’un tableau de concordance définitif permettant d’identifier clairement les dispositions transposées. ”

Ainsi que :

“ Le SGCI veille au respect des échéances et délais. ”

 Par ailleurs, un rapport du Sénat daté de 2008 nous précise ce qu’est le « screening » (p.36) :

“ Le groupe de travail interministériel a notamment abordé la question du passage en revue, ou « screening », de la législation au regard des dispositions de la directive. Certes, le compte rendu de la réunion du 24 mai 2007 indique que « le tour de table a montré que les ministères avaient tous démarré les travaux de recensement des régimes d’autorisations susceptibles d’entrer dans le champ de la  » directive services « , certains ayant même terminé l’exercice. » De même, à cette date, l’état des travaux de recensement mettait la France  » dans une bonne moyenne  » par rapport aux autres États membres. ”

 En résumé, lorsque la commission européenne émet une nouvelle directive, le ministère le plus directement concerné par celle-ci est désigné comme chef de file. Les autres ministères, dont le champ d’action est peu ou prou touché par cette directive, désignent chacun un de leurs hauts fonctionnaires à cet effet. La mission de ces personnes est alors de recenser, ce qu’ils nomment le “screening”, toutes les répercussions que cette directive aura ; c’est-à-dire quelles législations françaises il faudra adapter, modifier ou abroger, pour que le droit français “colle” avec la directive. Le tout se faisant sous l’œil avisé, ou plutôt l’autorité, du SGAE qui à cet effet a publié en 2011 un “ guide de bonnes pratiques concernant la transposition des directives européennes ”.

 Dans l’autre sens, le SGAE rend compte à la Commission européenne de l’état d’avancement de la transposition en droit français des directives européennes.

Ainsi, on peut trouver sur le site du SGAE un “ rapport de synthèse sur la transposition de la Directive 2006/123 ”, répondant à une série de questions posées par la commission concernant l’état d’avancement de la transposition de cette directive en France.

Il pourrait nous être opposé qu’au-delà de sa seule existence, ce document ne porte ni entête, ni logo, ni signature permettant d’en attribuer la paternité au SGAE. Cependant, en page 58 de ce document émanant d’un groupe de travail de la Commission, il est clairement indiqué :

“ See ‘Rapport de synthèse sur la transposition de la Directive 2006/123’ issued in January 2010 by the Secrétariat Général aux Affaires Européennes ”.

LE SGAE ET L’ÉLABORATION DES  » PNR  » (programmes nationaux de réforme)

Malgré nos recherches, nous n’avons pas été en mesure d’identifier quel service est officiellement et explicitement chargé de la rédaction des PNR (programme national de réforme). Ces derniers ne comportent jamais mention du nom de leurs rédacteurs et le site du SGAE n’évoque pas même leur rédaction. Une page du site internet du SGAE propose seulement, et sans plus de précisions, d’y télécharger les différents PNR annuels.

Cependant, plusieurs indices laissent à penser que le SGAE est intimement lié à la rédaction des PNR, et en est même le superviseur :

  • l’élaboration des PNR correspond exactement à ses attributions,
  • le SGAE semble le mieux placé pour mettre en cohérence et coordonner les différentes “réformes”, chaque ministère étant chargé de mettre “à la sauce France” les recommandations des GOPÉ touchant à sa spécialité,
  • chaque année, c’est le SGAE qui organise une prétendue consultation orale puis écrite des partenaires sociaux au sujet du “projet” de PNR, quelques jours seulement avant sa publication (plus de détails à la fin de cet article).
  • diverses citations de sources gouvernementales sont assez explicites :
    • “ En France, le PNR est élaboré par les différentes administrations centrales sous l’égide du Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE).
    •  
    • La rédaction du programme national de réforme de la France (PNR) intitulé « Programme français de réforme pour une croissance sociale», a été coordonnée par le Secrétariat général pour les affaires européennes (SGAE). (
  • certains (ex-)personnels du SGAE se vantent d’avoir participé à l’élaboration du PNR (5) (exemples n° 1, 2, 3 et 4).
  •  
  • ET LE PARLEMENT DANS TOUT ÇA ?

 

  • Notez que dans l’organisation décrite ici, l’Assemblée nationale et le Sénat n’ont pas leur place. C’est normal car ces institutions, qui étaient les fondements de notre République, sont exclues de la chaîne de commandement européiste. Le diagramme officiel présenté plus haut en atteste. Et, à cet effet, le SGAE a pour mission officielle  » dinformer le parlement français « . Comme c’est joliment dit.
  • En fait, l’Assemblée nationale et le Sénat ne servent plus qu’à cautionner le système, dans un grand faux-semblant démocratique. Si nos parlementaires, qui pour la plupart ne veulent pas voir ou ne sont pas conscients de cet état de fait, s’avisent de se rebeller contre la politique européenne, le gouvernement dispose toujours de l’article 49-3 (les fameuses “ordonnances”) pour faire passer en force les ordres de la commission.

 

  • Dès 2007, l’Assemblée nationale reconnaissait déjà que plus de la moitié des transpositions ne passaient même pas entre ses mains :
  • “ Le Parlement a également sa part de responsabilité [dans les retards de transposition], en particulier à cause de l’encombrement de son ordre du jour, mais moins de la moitié des directives nécessitent l’intervention du législateur pour être transposées en droit français. ” (source)

 

Preuve est ainsi faite que les choix politiques de la commission européenne sont systématiquement, et parfois même automatiquement, mis en application en échappant à tout contrôle démocratique. C’est donc la commission européenne qui dispose de fait du pouvoir législatif en France, c’est-à-dire de faire la loi ; tandis que les États sont relégués au rang de simple exécutif, c’est-à-dire d’appliquer cette loi.

Le rapport d’information N° 3468 de l’Assemblée nationale

déposé le 2 février 2016 par la commission des affaires européennes

Sur l’influence française au sein de l’Union européenne

Ce rapport, dont rien que le sommaire est assez éloquent, se présente en 2 parties :

1° partie : les experts constatent que l’influence de la France dans l’UE est affaiblie, notamment du fait de ses élargissements successifs, et en donnent les raisons :

  • au parlement européen, les eurodéputés français ne représentent que 9,85 % du total des membres;
  • au conseil, “ pour imposer son point de vue sur certains dossiers difficiles, la France doit désormais impérativement réaliser des alliances avec des petits pays ” (N.D.R. : pour ne pas dire des compromis);
  • à la commission européenne, la France ne dispose que d’un seul commissaire sur 28.

2° partie : les experts expliquent (évidemment) que tout n’est pas perdu, et ce qu’il faudrait faire pour que la France ait plus d’influence dans l’UE, notamment en renforçant les pouvoirs, les effectifs, et le rôle central du SGAE. Tout un programme!

Sauf que dans leurs analyses nos experts négligent deux aspects fondamentaux :

  • à vouloir fusionner avec 27 autres pays aux intérêts et visions du monde différents, on accepte nécessairement de céder de sa souveraineté (gros mot jamais employé dans les 115 pages de ce rapport !), et donc de son influence. À moins de vouloir imposer ses choix politiques aux autres, ce qui relèverait du nationalisme, ce qui ne semble pas caractériser nos parlementaires. On ne peut pas vouloir une chose et se plaindre de ses conséquences !
  • au même moment, les 27 autres pays cherchent eux aussi à augmenter leur propre influence au sein de l’UE. Une vraie course à l’échalote !

 

  • UN PEU D’HISTOIRE

 

  • Faisant suite au rapport Herbillon, le Premier ministre Villepin créait par décret N° 2005-1283 le SGAE, succédant au SGCI (“ Secrétariat général du comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne ”).
  • Il n’est pas inutile alors de rappeler ce qu’était le SGCI : créé en 1948 par décret de Robert Schuman, alors président du Conseil, ce service était chargé d’élaborer les instructions nécessaires pour les négociations concernant la participation de la France au Plan Marshall.

Or, quiconque s’intéresse à l’histoire de la construction européenne sait bien qui était Robert Schuman, et que le plan Marshall faisait partie intégrante du projet de vassalisation des États européens par les USA. Il est bon de relire par exemple ce qu’en disait le Parti communiste dans les années 50, tel que rapporté dans un dossier très fouillé rédigé par François Asselineau en 2013 et publié sur notre site UPR.FR

Elisabeth Guigou, ex-secrétaire générale du SGCI (1985-1990) et prétendument « socialiste », a présidé en 2008 une session de la commission trilatérale (6) intitulée “Saving Europe from the tyranny of referenda…”(Trad. “Sauver l’Europe de la tyrannie des référendums…”)

 Le cheminement ayant conduit à la création du SGAE est donc en parfaite cohérence et continuité avec le déroulement de l’Histoire.

  • Créé par décret, ce service du Premier ministre est donc tout à fait officiel. Il dispose même de son propre site internet,
  • l’identité des agents travaillant et ayant travaillé au SGAE est connue. Ils s’en vantent même dans leur curriculum vitae,
  • ces agents sont pétris de bonnes intentions et absolument convaincus qu’ils œuvrent pour l’intérêt de l’État et des citoyens,
  • tous les documents auxquels nous nous sommes référés ici sont officiels, en libre accès public, et évoquent expressément le SGAE sous son acronyme et/ou son nom complet,
  • Stéphane le Foll, alors qu’il était porte-parole du Gouvernement, déclarait à la suite de la nomination d’un nouveau Secrétaire général des affaires européennes : “ Sa nomination, témoigne de la capacité de la France d’être présente à l’échelle européenne et de faire en sorte que, et la voix de la France, et l’enjeu européen soient parfaitement intégrés dans l’ensemble des décisions qui sont prises ” .
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  • La fonction du SGAE telle que nous venons de la présenter ici ne devrait au fond surprendre personne, puisqu’elle correspond aux objectifs de la construction européenne qui passe par l’idée d’un État fédéral centralisé, et donc de la substitution progressive des appareils d’États nationaux par une hiérarchie administrative supranationale.
  •  Le SGAE n’est d’ailleurs pas une exclusivité française. Il est probable que tous les autres pays européens possèdent chacun son équivalent, adapté aux spécificités structurelles nationales. Il existe par exemple en Belgique une Direction générale coordination et affaires européennes (DGE) ” qui semble avoir la même finalité.
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  • Beaucoup de Français disent ne pas être écoutés, ne pas ressentir les effets de leurs votes et que les “ choses ne changent pas ”. Nous leur montrons ici que ce n’est pas qu’un simple sentiment, puisque ce qui nous est présenté comme un système démocratique n’est qu’une illusion.
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  • Lorsque nos gouvernements prétendent parfois vouloir changer les choses, cela revient surtout à n’être que des opérations de communication. Ainsi, pour reprendre l’exemple des travailleurs détachés, cette circulaire interministérielle du 27 avril 2017 (publiée donc entre les deux tours des présidentielles), demandait aux préfets de veiller à ce que les collectivités territoriales ne fassent aucune manœuvre pour contourner la directive éponyme, preuve que nos pseudo-gouvernants n’ont même pas l’intention de s’opposer au régime de Bruxelles (7). De plus, cette circulaire étant co-signée par quatre ministres, il ne nous étonnerait pas que ce genre de littérature soit élaborée sous le contrôle ou même à l’initiative du SGAE, tant cela correspond à ses missions.
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    Tout ceci corrobore parfaitement les déclarations de Viviane Reding, vice-présidente de la commission européenne

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    Il faut lentement mais sûrement comprendre qu’il n’y a plus de politiques intérieures nationales. Il n’y a plus que des politiques européennes ”…

     

     Il n’est donc pas étonnant que face à des propos aussi radicaux, notre personnel politique europathe, même de premier plan, n’ait pas plus de réaction qu’en auraient eue des huîtres écoutant du Mozart. Nos élites assument joyeusement leur trahison et nous expliquent, du haut de leur arrogance, agir contre notre volonté pour notre bien.

     

    En laissant ainsi décider de l’avenir de la nation par un petit cercle restreint échappant à tout contrôle démocratique, nos élites sont coupables, tant pour le peuple que pour la cinquième République, d’une félonie absolue. Le pire est qu’ils en sont fiers !

     

    En conséquence, l’UPR propose de rebaptiser le SGAE : Secrétariat général de l’asservissement à l’Europe.

     

    Guillaume PELLISSIER DE FELIGONDE 19 mai 2018

     

 

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