DE GAULLE et la N.C.

 De Gaulle et la Nouvelle-Calédonie

Degaulleetlanc

Conférence d’Ismet Kurtovitch le 18 Juin 2020

Dans le cadre de l’Université Populaire de Nouvelle-Calédonie

  • Le premier contact de Charles De Gaulle avec la Calédonie se fait au travers d’une nouvelle littéraire « Zalaina » qu’il écrit en 1908 (il a 18 ans) sous le pseudonyme Charles de Lugde alors qu’il prépare St Cyr au Collège Stanislas en Belgique. L’action se déroule, en effet,  à Thio (Charles De Gaulle se rendra à Thio en septembre 1956 lors de sa première visite en Nouvelle-Calédonie) la belle  Zalaina déploie un charme étrange propre à troubler le jeune officier. La critique note un style très littéraire, plaisant avec une réelle sensibilité mais l’honnêteté l’oblige à dire que l’histoire est convenue et s’oubliera vite.

  • Il va exister un lien particulier entre le Général et la Nouvelle-Calédonie

La Nouvelle-Calédonie est un allié politique certes difficile, récalcitrant parfois, n’acceptant pas l’autoritarisme du général et le désir centralisateur du gouvernement de la France libre, mais un allié tout de même qui crée des comités « De Gaulle » en août 1940, se rallie à la France libre le 19 septembre. C’est aussi un allié géostratégique très précieux. Le général joue la carte de la Calédonie face aux américains.C’est également un allié militaire avec les volontaires du bataillon du pacifique qui manifestent l’esprit de résistance de la Nouvelle –Calédonie et son attachement à celui qui incarnait cet esprit de résistance, le général De Gaulle. Ce bataillon fût héroïque à Bir Hakeim où sa résistance a empêché l’invasion de l’Egypte par Rommel. Lors de sa visite en 1966, De Gaulle dira «  Vous avez joué dans la vie de la France un rôle essentiel. Le bataillon du pacifique est ma fierté, il a été admirable et brillant à Bir Hakeim. Pour moi la Calédonie, c’est Bir Hakeim ! ».

  • En 1958 lors de son retour au pouvoir le général De gaulle  revient sur la loi cadre de Gaston Defferre du 23 juin 1956 car il veut rester maître des territoires du Pacifique Sud (la Polynésie pour les essais nucléaires, la Nouvelle-Calédonie pour son Nickel) en stoppant l’émancipation vers l’autonomie avec en filigrane le souhait de ne pas voir les américains mettre un pied en Nouvelle-Calédonie.

  • La N.C. adhère à la France de 58 et à sa nouvelle constitution.

L’article 76 de la Constitution de la Vème République du 4 Octobre 1958 permet à la Nouvelle-Calédonie de choisir son statut (départementalisation, état associé, territoire d’outre-mer). Le 17 Décembre 1958 l’assemblée territoriale de la Nouvelle-Calédonie opte pour le statut de Territoire d’outre-mer avec l’espoir d’obtenir un statut d’autonomie avancée.

  • Les Calédoniens proches du Général De Gaulle :

Deux femmes : Raymonde Jore, une des deux Calédoniennes FFL arrivée à Londres en février 1941, voulait être infirmière. À cette fin, elle s’est engagée le 21 septembre 1940 pour la durée de la guerre, plus trois mois (matricule 70124) avec une autre Calédonienne, Raymonde Rolly (matricule 70125). Pour les besoins de la guerre, elles deviennent, à 23 ans, conductrices au service des officiers du Général de Gaulle puis sténodactylographes. La conduite automobile était à l’époque l’apanage des hommes mais, nécessité faisant loi, la guerre a bouleversé les codes. En 1943, les deux femmes sont mutées en Afrique équatoriale française. Toutes deux se marient pendant la guerre (Raymonde Rolly devient épouse Beer en Afrique en 1943, Raymonde Jore épouse Teyssier à Londres un an plus tard). Elles reviennent sur le territoire avec les engagés calédoniens à bord du Sagittaire le 21 mai 1946.

Henri  Naisseline, grand-chef du district coutumier de Guhama sur l'île de Maré  est le premier chef coutumier kanak à signifier son soutien à Charles de Gaulle dans la lutte contre les puissances de l'Axe. Il fait ainsi hisser le drapeau français frappé de la croix de Lorraine à la tribu de Nécé d’où il est originaire, le 11 octobre 1940 et y ouvre des listes d'engagement de volontaires pour ses « sujets » âgés de 18 à 45 ans, tout en lançant un appel radiophonique aux autres chefs le 16 octobre 1940 : « D’un regard clair et avec fierté, les indigènes de la Nouvelle?Calédonie libre doivent accourir aux côtés du général de Gaulle pour défendre l’honneur du drapeau tricolore qui représente l’esprit de la liberté et de la justice. ». À la fin du mois de novembre, il débarque à Nouméa avec 80 volontaires Maréens.

Montrant ainsi son patriotisme et son attachement à la République française, il espère toutefois une contrepartie à ce ralliement, à savoir l'obtention pour les Kanaks après la fin du conflit de la citoyenneté française pleine et entière et donc l'abrogation totale du code de l'indigénat, comme il l'explique dans une lettre écrite le 31 octobre  au général de Gaulle : « J’ai lancé un appel à tous les indigènes de la Nouvelle-Calédonie. Notre couleur et notre langue ne sont pas françaises mais notre cœur l’est. Ces indigènes tous Français de cœur restent profondément attachés à la Mère Patrie […] Je vous demande de donner l’assurance qu’en reconnaissance de notre geste et le sacrifice de la vie de ceux qui, là-bas, vont sûrement tomber, qu’il nous soit donné la faculté d’accéder au titre de citoyen français »1,2.

Roger Gervelino, homme politique brillant et important pour la Nouvelle-Calédonie, à la base du ralliement de la N.C. à la France libre, gaulliste de la première heure. Il s'engage  comme volontaire au sein du Bataillon du Pacifique, et combat essentiellement dans la guerre du désert en Afrique du Nord avec le grade de caporal. Après la campagne de Tunisie, il est sollicité par le Comité français de la Libération nationale (CFLN) qui le nomme par ordonnance du 17 septembre 1943 pour représenter la Nouvelle-Calédonie à l'Assemblée consultative provisoire qui siège à Alger entre le 3 novembre 1943 et le 25 juillet 1944, puis à Paris après la Libération du 7 novembre 1944 au 3 août 1945. Il y est membre de la Commission de l'Information et de la Propagande et de celle de la France d'outre-mer, et participe à la réflexion sur la politique coloniale à mener après-guerre. Cela lui ouvre la voie vers sa carrière parlementaire. L3 a été député de Nouvelle-Calédonie de 1945 à 1951.

Roger Frey, Engagé dans les Forces françaises libres (bataillon du Pacifique) en 1940, nommé par le général de Gaulle chargé d'une mission auprès du général Mac Arthur en Extrême-Orient en 1945, Membre du comité directeur du RPF ( le mouvement gaulliste) en 1947 et en devient le trésorier en 1951. Il siège à l'Assemblée de l'Union française dès 1952  et il s’active lors de la crise de mai 1958 à préparer le retour de De Gaulle au pouvoir. Il est nommé membre du comité consultatif constitutionnel. Secrétaire général de l'Union pour la Nouvelle République (UNR) en 58 et 59. Devenu un des barons du Gaullisme,  il est ministre de l’intérieur pendant la guerre d’Algérie puis Ministre d'État chargé des relations avec le Parlement et président du conseil constitutionnel

  • Les visites de De Gaulle en Calédonie :

Du 9 au 11 septembre 1956 : Première visite du général de Gaulle sur le territoire. Il arrive à Nouméa à bord du paquebot-mixte des Messageries maritimes, Le Calédonien. L'accueil fut " France Libre " toutes les embarcations disponibles étaient là, en rade, pour  le recevoir. Le discours eût lieu Place des Cocotiers.

Il fit ensuite unetournée sur la Grande terre. Le Général de Gaulle est reçu comme un chef d’État par les autorités civiles et militaires et par ses compagnons. Mais ce qui frappe dans ce périple, c’est la liesse populaire. Les habitants se déplacent, souvent à pied et de loin, pour venir le voir et pour essayer de lui serrer la main. Des élus insistent pour qu’il s’arrête dans leur commune. Bien que le plus souvent autonomistes, les leaders politiques accueillent chaleureusement Charles de Gaulle, le résistant, le rebelle, le libérateur de la nation. Sa visite déclenche un enthousiasme rapporté par la presse locale et le correspondant de l’AFP

En 1966, le général de Gaulle et son épouse arrivent en Nouvelle-Calédonie le 3 septembre, accompagnés du ministre Pierre Billotte, ministre d’État chargé des Dom-Tom, et de Jacques Foccart.

La Nouvelle-Calédonie, qui n'avait jamais reçu encore la visite d'un président de la République, s'apprête à réserver un accueil exceptionnel au général de Gaulle, qui y passera l'après-midi du 3 et les journées des 4, 5 et 6 septembre.

Nouméa, où quinze mille personnes sont attendues, et Houaïlou, sur la côte est de l'île, constitueront les deux principales étapes du chef de l'État. Sur la côte est, où les rivières ne sont franchissables que par bac, les autorités auront fort à faire pour assurer dans des conditions satisfaisantes le transport des habitants désireux de participer aux manifestations. L'accueil est bon enfant et sympathique dans cette France du bout du monde.

A Nouméa, il dépose une gerbe sur le Monument aux Morts de la place Courbet (désormais place Bir Hakeim), on peut entendre dans le discours du Général : " vous devez dans la paix, comme vous l'avez fait dans la guerre, être pour toute notre communauté nationale un exemple d'effort, de fraternité et de progrès. Vous avez un rôle français à jouer dans cette partie du monde. Vous êtes un morceau de la France, vous êtes la France Australe.

Lors de cette visite, il évoque la nécessité de créer un pôle économique dans le Nord ainsi que la construction d’une seconde usine de nickel dans cette région de la France australe afin de casser le monopole de la SLN.

                                                            Michel Hanocque le 19 juin 2020